Je crois que vous l’avez remarqué, j’ai une relation amour-haine avec l’autisme de ma fille. Son autisme est fascinant et me fait rire par moment. D’un autre côté, c’est exténuant.

L’autisme, c’est une façon de percevoir les choses différemment. Le cerveau des personnes autistes n’a pas les mêmes connexions que le nôtre, les neurotypiques. Neurotypique se traduit par « personne qui n’est pas autiste ». Je vous le précise, car la première fois que j’ai lu ce mot, je me suis dit : « Bon, c’est quoi ce diagnostic-là, encore? » Ce n’est pas un diagnostic, c’est un terme pour éviter de dire « les gens normaux ».

Si vous avez écouté, Tout le monde en parle, dimanche dernier, vous savez maintenant que chez la personne autiste, les informations ne se traitent pas de la même façon et à la même vitesse. Ça, c’est le bout qui ne m’a pas été transmis lors de mon arrivée dans le mystérieux monde de l’autisme. Cette information, elle est maintenant diffusée, mais en 2011, nous étions loin de ça!

Le monde parallèle d’Ariane était pour moi un grand brouillard dans lequel je me perdais constamment. Nous vivions au même moment, mais pas systématiquement dans la même dimension. C’est encore ainsi et je doute que ça change un jour! Elle ne perçoit pas les choses comme moi et c’est ce qui rend la situation aussi complexe. Je dois régulièrement démystifier les raisons pour lesquelles elle n’est pas à l’aise à tel endroit ou dans telle situation. Le vocabulaire de ma fille est restreint donc j’analyse beaucoup!

Les premières années suivant le diagnostic d’autisme d’Ariane, quand elle faisait une crise, c’était la faute de l’autisme. Je me déresponsabilisais rapidement, car j’avais eu ma dose de jugements durant le processus diagnostic de ma fille. Je ne pouvais plus encaisser le fait que l’autisme d’Ariane ait un quelconque lien avec moi!  

Les années ont passé et j’ai appris à connaître l’autisme d’Ariane. Il y a autant de types d’autisme que d’autistes. Voilà pourquoi j’écris « l’autisme d’Ariane ». Il y a de l’information universelle en autisme, mais il y a beaucoup de démystification à faire auprès de chaque enfant qui reçoit ce diagnostic. Ce qui déclenche des inconforts chez elle qui peuvent dégénérer en crises si nous n’adaptons pas la situation, je dois le trouver. Est-ce que j’ai terminé mon apprentissage de l’autisme d’Ariane? Non et je doute que ça se termine un jour, car elle vieillit, elle change.

Est-ce que je suis responsable de ses crises? Pas systématiquement, mais j’ai le devoir de prévoir ces dernières quand je le peux. C’est la différence entre être une mère et être une mère-aidante. Avoir un enfant avec certaines limitations qui exigent des adaptations, vient avec des responsabilités différentes. Même si je me mets la tête dans le sable en me disant que je n’y peux rien, que ses crises lui appartiennent, ça me déculpabilise un moment, mais ça ne dure pas longtemps.

Plus Justin et Livia vieillissent, plus je réalise qu’être la maman d’Ariane ne se compare pas. Être le parent d’un enfant « neurotypique » et être le parent d’un enfant autiste, ce n’est pas la même chose! Non seulement pour le temps que je dois investir pour l’accompagner au quotidien, mais également pour la démystifier. C’est ça qui est épuisant avec l’autisme de son enfant. Chercher et prévoir tout le temps. Ça épuise psychologiquement, principalement quand l’enfant est dans une phase où il ne dort pas bien comme je vous en faisais mention dans mon texte : « Plus tard, maman, je vais être médecin et je vais guérir Ariane de l'autisme ».

Ce texte m’a valu beaucoup de messages dans lesquels ont me conseillait de lâcher-prise, de ne pas prendre l’autisme de ma fille sur mes épaules. En fait, ce n’est pas moi qui aie tout pris sur mes épaules. Cette charge, elle est apparue le jour où j’ai compris qu’elle était autiste. Quand un enfant reçoit un diagnostic d’autisme modéré à sévère, ça se traduit par un besoin d’accompagnement important à très important. L’accompagnement, c’est moi. Déléguer est beaucoup plus facile à dire qu’à faire.

Pourquoi? L'autisme est encore vu comme un trouble de comportement par diverses personnes. Il y a des façons de faire qui me rebutent et dont je ne veux pas qu'elles soient appliquées sur ma fille. En tant que mère, je n'ai pas toujours été entendue quand j'exposais les besoins d'Ariane donc j'ai cessé de faire confiance. Les jours qui suivaient étaient souvent plus épuisants que le moment de répit auquel j'avais eu droit.

La conscientisation, de ce qu’est l’autisme, fera son œuvre au fil des années et je ne serai plus considérée comme une mère poule, mais comme une maman qui voie au respect de « l'autisme d'Ariane ».  

Pour l’instant, comme d'autres parents, c’est dans l’isolement que je vis l’autisme d'Ariane. Les besoins d’accommodements pour les siens sont trop souvent banalisés et relayés au statut de caprices qui, s’ils ne sont pas assouvis, dégénèrent en trouble de comportement, qu'il faut éradiquer pour atteindre la normalité.

Souhaitons que les prochaines années soient celles de la compréhension pour nos enfants.