Je m'en veux de ne pas avoir su t'aimer à tes débuts dans ce monde. J'étais heureuse le jour où deux petites lignes sont apparues sur le petit bâtonnet : tu étais là, tu étais en moi. J'avais organisé ma grossesse au quart de tour : j'allais profiter de tous les petits moments!
 
Or, ça ne s'est pas passé exactement comme je l'avais prévu : il y avait les nausées, la fatigue, les migraines, les fausses contractions, mais surtout, il avait ton frère qui, depuis son premier souffle, prenait toute la place dans mon cœur. Je n'étais pas capable de faire une petite place pour toi. Je m'en veux tellement d'avoir prié pour que tu sortes plus tôt de ton petit nid. Parce que je t'aimais, mais j'en pouvais plus de te sentir là, de prendre toute l'énergie que je voulais offrir à ton frère. Tu as fini par sortir, ils t'ont déposée sur moi et là, j'ai attendu, attendu que le déclic se fasse. J'ai voulu qu'ils t'éloignent de moi, je n'étais pas bien, je ne ressentais... rien.
 
Comme pour me rattraper, je t'ai donné le sein; pour que le contact se fasse. Ça a duré un mois et demi... Le jour où j'ai arrêté, je m'en voulais, une nouvelle fois, car ce n'était pas par nécessité, pas par manque de lait, non. C’était parce que je me sentais agressée. Agressée par toi qui voulais juste être nourrie. Je suis désolée si je t'ai négligée par moment, mais je n’étais pas capable, pas capable de te sentir contre moi. Tu étais belle, oh oui! Belle dans ton moïse, dans ta chaise, balançoire, sur le sofa... mais pas sur moi.
 
Un jour, j'ai arrêté d'essayer de t'aimer aussi fort que ton frère. Ce jour-là, j'ai appris à t'aimer toi, petit à petit.
 
Aujourd'hui, tu as 4 mois et je ne sais pas quel jour c’est arrivé, mais tu as fait ta place dans mon cœur. Je m'en voudrai le reste de ma vie de ne pas avoir su faire ce qui devrait être naturel dès ta naissance. 
 
Mais sache, ma fille, que je t'aimerai jusqu'à ma mort, que je serai toujours présente pour toi et qu'en ce moment, je rattrape les minutes perdues en te collant pour sentir ton cœur battre contre le mien, tout en laissant notre amour s'établir.