Je suis au comptoir postal de la pharmacie. Suis venue avec la p’tite dernière qui se fait torturer par une dent qui tente de percer sa gencive. Elle pleure, petit cœur. Je m’empresse d’inscrire sur le petit papier mon adresse et celle du destinataire quand je vois dans mon angle mort une femme s’approcher de la poussette. Je me retourne au moment où elle prend ma fille par le bras, les pleurs de la petite s’intensifient.
 
Me disant qu’elle a peut-être eu un élan pour la consoler, je lui dis (poliment, mais un peu fermement quand même, pour qu’elle comprenne que ça ne me plaît pas qu’elle se garroche sur ma fille) : « C’est correct, madame, je suis juste ici. »
 
Elle, ben ben frue : « Ben voyons!! »
 
Moi, quand même étonnée de sa réaction : « On le demande avant de toucher un bébé. On prend le temps d’entrer en contact avec la… »
 
Elle, me coupant la parole : « Eille, ça va faire un enfant antisocial ça! » Puis se tournant vers la caissière, cherchant l’approbation de quelqu’un, elle dit : « J’y ai juste pogné l’bras!! »
 
Moi, un peu à boute, mais calmement : « Ben madame, on le demande avant d’approcher un bébé… »
 
Elle, déjà rendue dans l’allée des capsules d’artichaut et des boost : « Maudite freak!! » (en prenant soin de bien rouler le « r » de freak, ouach).
 
Madame, si jamais ce texte se rend jusqu’à vous, j’aimerais m’expliquer, parce que, je l’avoue, après votre « maudite freak », je n’ai pas eu envie de vous attraper par le bras pour qu’on jase. À cause de votre attitude, mais aussi parce que moi, je ne fais pas ça, attraper des inconnu.e.s par le bras.
 
Bon, mettons qu’on décortique tout ça : mon bébé pleure. Vous, vous avez le goût d’aller voir ce bébé-là.  Vous ne jugez pas bon de jaser un peu avec la mère avant ni de vérifier s’il a envie, ce bébé-là, d’entrer en contact avec quelqu’un. Vous lui prenez le bras, elle pleure de plus belle, je me retourne avec des grands yeux qui ne tripent pas sur le geste que vous venez de poser. Votre argument ne fait pas de sens, madame. « J’y ai juste pogné l’bras ». Ouin pis? Si je me lance vers vous sans vous avertir, sans vous saluer sans vous parler et que je vous pogne la cuisse mettons, est-ce que l’argument « j’y ai juste pogné la cuisse » serait valable?
 
Que vous lui preniez le bras, la langue ou les cheveux ne fait aucune différence.
 
Voyez-vous, madame, je suis maman de deux filles. Dans le monde dans lequel on vit, je leur apprends, dès maintenant (une vraie freak) à mettre leurs limites. Il m’importe de leur apprendre que leur corps leur appartient et qu’elles ont le droit de dire « non » si elles n’ont pas envie qu’on les touche.
 
Avec les grands-parents on a une entente : on ne force pas les bisous. Ni les câlins. On le demande. Les filles ont envie? Elles disent oui et font un câlin. Certains jours elles disent non, pis on respecte ça. Personne n’est fâché, tout le monde est content. On ne force rien.
 
Si exiger des gens qu’ils demandent la permission avant de toucher mon tout petit bébé c’est être freak* (oh pardon, « frrrrreak »), vous avez raison, je suis freak. Super freak, comme chantait l’autre.

*NDLR En passant, chez TPL Moms, nous pensons que ce mot devrait être banni de notre vocabulaire!