Je ne sais pas d’où ça lui est venu ni comment elle a compris le concept de la mort. On écoute souvent des films (surtout avec la température de ces temps-ci, m’enfin). C’est vrai que ma fille a toujours été assez sensible, comme la fois où une vieille dame est tombée en face de la maison et qu’on s’était pris à quatre mains pour l’aider à se relever devant les yeux effrayés de ma trois-ans-et-demi. C’est vrai qu’après cet épisode, elle a commencé à me parler de la vieillesse, des maladies et de ce qui se passe après. J’ai essayé tant bien que mal de ne pas aller trop au fond des choses, parce que je n’étais pas à l’aise et que je ne savais pas comment l’aborder.

J’ai toujours été poche pour expliquer des choses simples à ma fille. Elle a l’âge de poser beaucoup de questions et de demander « pourquoi » pour tout et rien.

« Maman, c’est quoi une carte (routière)?, me demande-t-elle dans la voiture.
— C’est des routes qui sont mises en 2D. Je veux dire, c’est quelque chose qui existe dans la vraie vie en trois dimensions... donc en volume... qui est mis à plat. Ce que je veux dire, c’est que c’est un dessin de chemin qui existe et qui est mis à l’échelle... En gros, c’est facile, mais un peu compliqué à expliquer. »

Ouf! Alors, imaginez comment j’ai de la misère quand vient le temps d’expliquer des choses qui sont encore plus floues.
 

« Maman c’est quoi la mort, me dit-elle à l’heure du bain.
— C’est quand on arrête d’exister. 
— Mais on arrête d’exister où?
— Dans la vie avec les autres...
— On existe où? Est-ce que je peux rester avec vous si je meurs? Je veux rester à la maison toute ma vie. Je veux rester à la maison après aussi, avec mes parents.
— Moi aussi, Dolores, je veux rester avec vous tout le temps. Je ne sais pas où on va, par exemple.
— Je ne veux pas mourir, je ne veux pas vieillir.
— Tu ne vas pas mourir Dolores. »

La conversation a fini avec des grosses larmes. Dolores inconsolable, et moi les yeux pleins d’eau parce que je n’avais pas les réponses. Depuis, elle m’en parle tous les soirs. Depuis, je suis dans une impasse et je ne sais plus comment aborder les questions existentielles qu’elle se pose. Elle me dit souvent qu’elle ne veut pas vieillir pour ne pas partir de son groupe de garderie. Je dirais que c’est plus facile de répondre à ça que de parler de la mort. Dans le sens que c’est plus simple de lui expliquer qu’elle aura toujours des ami.e.s et qu’il y aura toujours du bon à grandir. Je pense.
 
Pour le reste, je fais du mieux que je peux, au meilleur de mes connaissances et mes convictions, en prenant bien soin de maintenir le dialogue dans un langage qu’elle comprend. C’est une phase qui passera je l’espère, entre temps, je fais de mon mieux avec mon instinct qui me dit qu’elle comprend un peu plus que je ne l'imagine. Je pense à m’acheter des livres pour lui expliquer aussi, ça devrait être plus facile quand elle fait des grosses crises inconsolables.

« On vieillit parce que c’est comme ça. C’est un peu plate à dire. Pis ça permet de faire des choses que nous ne sommes pas capables quand nous sommes petit.e.s. C’est le fun, être grand.e.
Ça prend du temps d'être très vieille, au moins 60 ans. 60 ans, c’est tous les doigts six fois. C’est beaucoup et c’est long!!! 
On ne contrôle pas la mort, mais on va essayer que ça se passe dans le plus de temps possible.
Ta famille t’aimera toujours. Dans la maison si tu veux ou partout où tu seras. »