Depuis que je suis TPL Moms, je suis abasourdie par la polémique provoquée à chaque fois qu’un billet aborde de manière un peu critique la question de l’allaitement. Souvent, quand une auteure témoigne d’une difficulté à allaiter, explique son choix de l’allaitement mixte ou raconte comment elle essaie de sevrer les boires de nuit, on l’accuse d’être contre l’allaitement ou de propager des faussetés sur le sujet.
 
Je vous l’avoue : j’ai du mal à comprendre. Pourquoi la question de l’allaitement est-elle si délicate? Pourquoi provoque-t-elle les passions? Et surtout, pourquoi certaines femmes tiennent-elles tant à ce que les autres femmes allaitent?
 
 

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Bien sûr, je comprends tous les bienfaits de l’allaitement, et je ne les remets aucunement en question. Ce que je ne comprends pas, c’est que certaines femmes se sentent en droit de dire à d’autres ce qu’elles doivent faire avec leur corps, en sous-entendant que si elles ne le font pas, c’est parce qu’elles n’ont pas assez persévéré, sans connaître tout le contexte dans lequel la personne a fait son choix.
 
L’allaitement comme repère
Je comprends qu’il puisse arriver que l’allaitement devienne un repère pour certaines femmes, un ancrage auquel s’accrocher dans les hauts et les bas de l’apprentissage de la parentalité (moi, c’est un de mes repères). Et que peut-être alors ces femmes qui aiment allaiter se sentent justifiées d’insister auprès de celles qui doutent en leur disant : « Mais c’est tellement gratifiant, ça crée tellement un lien fort avec ton enfant! » Pourtant, ce qui est bon pour l'une ne l’est pas nécessairement pour l'autre.
 

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Le retour du balancier
Je comprends aussi que la promotion actuelle de l’allaitement correspond à un « retour du balancier » par rapport aux recommandations du siècle dernier qui préconisaient le lait maternisé au détriment de l’allaitement. Je sais qu’à travers publicité et mensonges, les compagnies de préparation commerciale pour nourrissons ont participé à déposséder les femmes de leur capacité à nourrir leurs enfants, qu’on les a dépossédées de leur confiance en elles et en leur corps. En ce sens, la promotion actuelle de l’allaitement correspond à une réappropriation, pour les femmes, d’un territoire qui leur appartient, et je me réjouis de cette fabuleuse réussite du mouvement féministe (et des organismes de santé publique).
 

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Mais ce « retour du balancier » ne me semble pas justifier que l’on retire pour autant le droit aux femmes au libre choix en culpabilisant celles qui ne désirent pas allaiter ou en s’acharnant à stimuler des allaitements trop difficiles. En insistant uniquement sur les bienfaits du lait maternel, on oublie qu’il existe d’autres facteurs psycho-socio-économiques qui peuvent influencer le choix des mères d’allaiter ou non. D’ailleurs, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer plus de flexibilité et de nuances dans la promotion publique de l’allaitement.
 
La mode du parentage proximal
Finalement, je comprends aussi qu’il y a des effets de mode. Dans certains milieux (dans mon milieu, en tout cas), la tendance est au parentage proximal : accouchement physiologique, co-dodo, portage, allaitement prolongé. Je n’ai évidemment rien contre ces pratiques (je les adopte moi-même pas mal toutes!), mais la tendance étant ce qu’elle est, elle exerce parfois beaucoup de pression sur les individus pour qu’ils se conforment au groupe. Elle contribue aussi à marginaliser les personnes qui refusent ou sont incapables de se conformer aux tendances, tout en valorisant celles qui y arrivent.

Mais cela ne justifie pas, selon moi, que l’on se désolidarise des femmes qui expriment publiquement leurs difficultés à allaiter, leur volonté d’arrêter tôt, ou leur choix de ne pas allaiter du tout. La maternité est une expérience complexe, difficile, belle et unique à chacune. Chaque mère fait ses choix en fonction de ce qui est le mieux pour elle et pour ses enfants. Respectons donc le libre-choix des femmes. Après tout, ce qu’une femme fait avec son corps ne concerne qu’elle, et personne d’autre.

À go on cesse de se mettre de la pression entre femmes, d'ac? GO!
 

End the Mommy Wars! Un super projet photo de CTWorkingMoms
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