C’est en avril que tout a basculé. Ce qui semblait être une simple infection urinaire s’est révélé bien plus grave que tout ce que nous aurions pu imaginer. Le protocole pour les garçons est de leur faire passer une échographie des reins. Ont suivi d’autres examens pendant la journée, ajoutés les uns après les autres à mesure qu’on nous disait que les résultats étaient anormaux.

Puis le diagnostic est tombé. Il souffre de reflux urétéro-vésical. Son rein gauche a été très endommagé. Il fonctionne à moins de 5 % et doit être retiré. Avoir un médecin spécialiste qui vient nous rejoindre entre deux opérations pour prendre notre fils en charge, c’est à la fois rassurant et terrifiant.

Mon petit bonhomme est devenu un cas médical « intéressant ». Les autres enfants souffrant de la même chose font habituellement des infections urinaires à répétition à partir d’un très jeune âge. Lui a fait sa première à plus de 2 ans et demi, et elle était asymptomatique. Si nous avions pu le savoir avant, il aurait probablement encore tous ses morceaux à l’heure qu’il est.

Ce soir-là, alors que je payais le stationnement en essayant d’encaisser la nouvelle, j’ai senti mes genoux flancher. J’ai réussi à me reprendre à temps pour ne pas tomber, mais la tête me tournait. Je n’ai pu m’empêcher de penser à tous ces enfants qui sont si près de moi dans les unités pédiatriques. Et à leurs parents qui ont reçu des diagnostics bien plus sombres que celui que nous venions d’avoir.

Le jour de l’opération, dans la salle d’attente du bloc, les autres enfants partaient avec les anesthésistes. Je voyais l’inquiétude dans les yeux de leurs parents. Je sentais mes larmes monter à l’idée que ça serait bientôt notre tour. Un résident est venu le chercher. Il est parti dans ses bras en écoutant la Pat Patrouille sur un téléphone intelligent, le sourire aux lèvres. Contrairement à ce que je redoutais, j’étais soulagée de le voir partir. Il allait être opéré par un urologue pédiatrique avec une réputation qui frôle la perfection. Et surtout, il allait vivre...

Je tirais une certaine fierté d’avoir des enfants en santé. J’ai dû faire un deuil et me rendre à l’évidence que mon garçon si énergique n’aurait pas passé le cap de l’adolescence sans la médecine moderne. Qu’il devra avoir de la médication pour le restant de ses jours. Mais nous avons de la chance malgré tout.

J’ai pu m’émerveiller de la capacité de récupération d’un enfant. À peine trois jours après s’être fait retirer un organe et avoir dû repasser au bloc suite à une complication, il courait et riait dans les couloirs de l’unité où il était hospitalisé. En moins d’une semaine, il s’amusait dans le module de la magnifique cour intérieure au CHUL alors qu’on attendait impatiemment qu’il veuille bien faire son premier pipi.

Je me console en me disant que si nous l'avions su avant, nous aurions peut-être décidé de ne pas agrandir la famille. Sa petite sœur n’aurait été qu’une idée qui nous serait passée par la tête avant d’être abandonnée. Et par chance, elle ne souffre pas de la même malformation que son frère.