Ariane aura 8 ans en septembre. Huit années remplies d’embûches, de victoires, de pleurs, de rires, de remises en question et de déceptions. Si je n’ai jamais été déçue de ma fille, je me suis déçue souvent. Quel parent ne l’est jamais? 

Je n’ai jamais cru à l’enfant parfait, mais la mère parfaite ou presque, j’y aspirais beaucoup. J’aurais aimé être celle qui ne pleure pas le diagnostic de son enfant. J’aurais aimé être celle qui sait qu’elle est assez forte pour passer à travers toutes les embûches liées au handicap de ma fille. J’aurais voulu avoir cette confiance à tout casser qui aurait pu remettre à leur place ces professionnels qui nous remettaient en doute, mes compétences parentales et moi, alors qu’en fait, j’étais bien émotive, mais pas folle du tout. Je savais que cet enfant qui était mien criait à l’aide à travers ses crises. Ce n’était pas que des caprices. Ça allait plus loin que ça!  

​Mais en fait, c’est quoi, une bonne maman? Une mère au-dessus de tout, qui n’est jamais dépassée ou émotive? J’en doute. Pourtant, c’est ce que les réseaux sociaux semblent vouloir véhiculer. 

La réalité est plutôt que j’ai passé des années à me débattre dans un système de santé qui craque de partout. Des mois à créer des liens avec des intervenants qui ne seront que de passage. Des heures, assise par terre, à prendre des notes dans ma tête, à faire des liens de cause à effet, à adopter une théorie et la réfuter quelques mois plus tard. Des nuits à me demander où je m’en vais comme ça.

Conclusion, je ne suis pas faite pour avoir un enfant autiste, je suis une mauvaise mère. BAM! Ça fesse hein? C’est ce que les réseaux sociaux veulent que je crois. Honnêtement, j’en ris maintenant. Lorsque je faisais des conférences, je faisais rire la salle en disant que ma fille ne m’avait pas choisie, elle m’avait pigée. 

​L’autisme d’Ariane, pour moi, c’est un très gros défi. Pas un défi dans le genre, je vais vaincre, devenir plus grande que nature. Défi comme dans marcher sur un fil de fer entre mes besoins de femme et ceux de ma fille, tenter de garder mon équilibre pour ne pas sacrer le camp dans le vide. 

L’autisme, c’est compliqué. Ah! C’est vrai! On m’a demandé d’arrêter de vous dire ça, les parents, pour ne pas vous faire peur. Peur? Faites-moi rire! Comme si vous alliez croire mes écrits plus que vos propres yeux, votre quotidien. Comme si mettre ça beau allait servir à quelqu’un. Le déni, ça sert à protéger un cœur meurtri un moment, mais pas très longtemps.

Vous êtes assez lucide pour réaliser que démystifier ce qu’est l’autisme, c’est réellement un gros défi. Pour une personne qui n’est pas autiste, ça demande du temps et de la patience. Là où ça se complique, c’est que plusieurs enfants autistes dorment peu et la routine du dodo n’est pas aussi simple à instaurer qu’avec un enfant neurotypique (Neurotypique = non-autiste). Avoir de la patience et de l’énergie quand on est en déficit de sommeil n’est pas la même chose qu’être une personne disposée et reposée. Comme vous savez, une personne neurotypique a besoin de sommeil. N’importe quel parent sait ça. Trois jours de grippe ou de gastro avec vos enfants et vous n’aurez plus aucun doute.

Est-ce que les parents eux-mêmes autistes sont de meilleurs parents? À mon avis, pas plus, pas moins. Certains ont de si grands défis personnels que voir à ceux de leurs enfants devient trop gros, trop grand pour eux. D’un autre côté, certains ont un profil très similaire à leur enfant donc n’ont pas a démystifier autant que je dois le faire. Ils ont leurs défis, et les parents qui ne sont pas autistes ont les leurs aussi. Ce n’est pas mieux pas pire, juste différent. 

​Pourtant, alors que tous disent militer pour l’acceptation de la différence, le torchon brûle. Certains rêvent d’une société où les neurotypiques vont se plier aux besoins des autistes. D’autres crient à l’importance de l’inclusion, que l’un comme l’autre apprenne à vivre et travailler ensemble selon leurs forces respectives. Le problème c’est que les uns crient après les autres, donc au final, on ne comprend rien. La fatigue, le manque de recul et l’épuisement de la patience, ça cause souvent ça.

Je vois régulièrement passer les pires insultes sur mon fil d’actualité Facebook de la part d’un parent d’enfant autiste à un autre parce qu’ils ne partagent pas le même point de vue. Rapidement, on sort du passif agressif, ça va trop loin dans les insultes pour une simple prise de position. 

Pourtant, le parent parfait pour un enfant autiste n’existe pas. Non? 

J'aimerais qu'Ariane, pour son anniversaire, lorsqu'elle soufflera les huit bougies sur son gâteau, fasse le vœu suivant. Que les egos se calment et que les parents d’enfants autistes puissent enfin se parler sans s’insulter afin d’en venir à un plan qui aura été élaboré dans le respect des personnes autistes et de leurs parents plutôt que de subir les décisions de ceux qui ferment les yeux et les oreilles parce que nous sommes incapables de nous parler. 

Plus de 40 ans à militer pour les parents au Québec! Bravo, mais le drapeau blanc, c’est pour quand?