Chers élèves de l’école Louis-Joseph Papineau,

Nous vous écrivons pour vous dire que nous vous aimons. Nous, parents d’origine haïtienne et parents racisés, nous vous trouvons très beaux et très forts dans vos habits d’équipe, nous vous trouvons magnifiques et fières dans vos uniformes d’école. Nous vous savons aussi intelligent.e.s et rempli.e.s de potentiel. C’est comme cela que nous aimons vous voir. Nous vous aimons et nous pensons beaucoup à vous.

Nous savons que vous avez vécu des moments très difficiles, sous les yeux du grand public, depuis le défilé de la Saint-Jean 2017. Nous savons que les gens qui vous ont demandé de participer ou même les gens qui ont protesté contre ce qu’on vous demandait de faire ont tenu des propos durs ou inconsidérés qui ont pu vous blesser. Nous ne désirons pas vous blesser. Vous êtes nos enfants et nous vous aimons.

Vous avez accepté de participer à un défilé pour la Fête nationale du Québec. Vous ne saviez pas dans quelle situation vous alliez vous retrouver, dans quel tableau construit depuis longtemps sans vous vous alliez jouer un rôle ni quel rôle vous alliez jouer. Ce sont les adultes responsables de vous, les adultes qui vous demandaient de participer, qui auraient dû savoir et surtout savoir mieux vous protéger. Vos parents ne savaient pas. Ils pensaient qu’on vous faisait une place dans le récit national. Il ne savaient certainement pas quelle serait cette place. Laissez-nous le dire très fort, afin que tous le sachent : ceci n’est pas la place que vos parents voulaient pour vous. Vos parents bien certainement font beaucoup d’efforts pour vous donner tout ce qu’ils peuvent, pour vous créer une place digne dans le pays qu’ils ont choisi. Ils et elles n’ont pas fait tout cela pour que vous vous retrouviez à la dernière place dans le récit national du Québec. Que vous vous retrouviez à soulever les autres, à tenir les autres, à pousser les autres bien au-dessus de vous. Vos parents vous aiment, encore plus que nous vous aimons. Ils veulent pour vous le meilleur et toutes les premières places. Ils veulent vous voir marcher devant, la tête haute. Ils veulent vous voir debout, avec tous les autres, pour obtenir de la vie le mieux qu’elle puisse vous offrir. Ce qu’on vous a proposé est une honte et un manque de respect pour les efforts et le courage de vos parents. Ceci n’est pas la place que vos parents veulent pour vous.

Pour les joueurs d’origine haïtienne, nous voulons vous dire tout particulièrement que vous venez d’un peuple libre, prêt à accueillir tous les peuples du monde qui veulent la liberté et l’égalité. Vos ancêtres se sont battus, ont payé et ont gagné pour que vous n’occupiez plus jamais la place du dessous. Vous venez d’un peuple qui est devenu en 1804 le premier peuple véritablement libre d’Amérique après la colonisation. Vous venez de la première république noire du monde. De la seule révolution d’esclaves ayant jamais réussi à se fonder un pays de toute l’histoire de l’humanité. Vous êtes des descendants de stratèges intelligents, de femmes vaillantes et de guerriers victorieux. Vous êtes depuis 2012, comme Haïtiens, le seul peuple ayant été accueilli sur les territoires autochtones non cédés et vous avez le droit d’être dans ce pays, d’être de ce pays et d’être très fiers de vos deux histoires.

Nous vous demandons humblement de ne plus jamais accepter de pousser les autres devant et au-dessus de vous. Ce n’est pas la place que vos parents espèrent pour vous, nous en sommes certains. Ce n’est pas la place que nous voulons pour vous. Et si c’est la place que vous réserve le récit national du Québec, il nous appartiendra, avec vous, de changer ce récit.

Avec tout notre amour,

Collectif « Nos enfants sont vos élèves »
Parents pour l’égalité