Être née dans les années 80, c’est avoir vécu la mode des grosses familles. Mon père a neuf frères et sœurs et ma mère, dix. Chacun a eu plus ou moins deux enfants, ça fait qu’en tout, j’ai trente-huit cousin.e.s.

Avant de fréquenter l’école, je ne suis jamais allée à la garderie. À part ma sœur, mes premiers amis, ça a été mes cousin.e.s. Quand on allait visiter ma grand-mère maternelle, y’avait toujours au moins un ou deux « mononcles » et « matantes » avec leurs enfants. On était cinq-six à être nés à quelques mois d’intervalles, c’est donc avec eux que j’ai appris à socialiser, à partager, à faire des mauvais coups, à se taper sur les nerfs, à pardonner.

J’me rappelle des Noëls chez ma tante. La sieste obligatoire avant le repas, même à 8 ans parce que j’allais veiller tard. Ma cousine Manon, avec sa robe en genre de taffetas froufroutant qui dansait un semblant de rigodon avec ses p’tits souliers rouges. Mon parrain qui jouait de l’accordéon. L’odeur de bouffe que ma tante avait préparé toute la journée qui sentait bon partout dans la maison. Mes cousin.e.s et moi qui nous endormions dans les manteaux de fourrure des matantes, avec Mélanie qui frappe sa tête sur l’oreiller avant de s’endormir. Je pensais aussi à ma cousine Karine et son frère qui étaient les seuls à ne pas partager Noël avec leurs deux parents puisqu’ils étaient séparés. Elles étaient rares, ces familles.

Le temps a filé, les années ont passées. Depuis que ma grand-mère est décédée, on se voit moins souvent. Chacun a sa vie et sa famille aux quatre coins du Québec. On essaie de se voir une fois par année. Y'a toujours le jour de l’an, mais j’habite loin et avec deux enfants, faire huit heures de route l’hiver, c’est pas c’qui a de plus reposant.

Puis y'a les rassemblements sporadiques, comme les mariages. En fin de semaine, c’était celui de mon cousin. C’était la première fois que je revoyais mes cousins et cousines depuis mon mariage. C’était il y a bientôt sept ans. C’était avant que presque tous aient des enfants.

Tous mes oncles et tantes y étaient eux aussi. Enfin, ceux qui restent. C’était la première fois que mes enfants côtoyaient leurs petits cousins et cousines. La nostalgie m’a envahie. Une vague de déjà-vu. Je revoyais mes parents, à mon âge, dans un mariage. Au lieu que ce soit ma mère qui danse pieds nus, c’était moi. Mes enfants se sont endormis, un dans les bras de papa, l’autre dans les bras de mamie, les manteaux de fourrure étant moins à la mode, surtout au mois d’août. Je me suis demandé si eux aussi se revoyaient à cet âge, avec nous. Étaient-ils fiers de nous voir, tous ensemble, après toutes ces années?

Mes cousines et moi, on s’est fait une promesse-de-pas-ivrogne-mais-un-peu-hangover-le-lendemain cette soirée-là, pendant qu’on allait refiller nos verres de vin dans la valise de char à Manon, à côté du truck qui sent le gaz. La promesse d’un prochain rendez-vous, mais pas dans dix ans.