J’ai écrit cet article au détriment de ma peur d’être jugée par les autres tout d’abord, et par moi-même par-dessus tout.

J’ai senti lors des derniers jours qu’un sentiment d’injustice flottait au-dessus de mon couple tel un nuage gris. Mon conjoint travaille à l’extérieur, il fait un métier qui demande beaucoup de force physique. Je le vois revenir chaque jour la peau foncée (rougie) par l'été. Je l’entends soupirer après sa douche (qu’il prend dès qu’il arrive), qu’ENFIN il peut se reposer quelques minutes sur notre sofa, cette magnifique partie du mobilier que nous avons choisie avec tellement de critères dans le but qu'il frôle la perfection.

J’ai l’impression que dernièrement, il trouve que je n’en fais pas assez pour une fille qui travaille seulement trois jours par semaine. Je ne fais pas le souper tous les soirs de la semaine, surtout pas le jeudi. Quelle est mon excuse? Mon prétexte? J'en ai trop à gérer, je n'y arrive pas, pas comme je le voudrais, comme on le voudrait. Je le vois dans ses yeux qu’il est déçu quand la vaisselle n’est pas faite ou quand les vêtements ne sont pas rangés. Mais peut-être que je vois la déception de ma propre performance à travers ses yeux. Peut-être que je fais du reflet.

Suite à un accrochage, j'ai cessé de douter. J’ai confirmé certains points de tension entre nous. L’autre soir, épuisée et au bout du rouleau, je lui ai demandé pourquoi il ne prenait pas notre fille en charge, car elle ne me lâchait pas d’une semelle. C’était l’heure du coucher. Sa réponse a été spontanée, tout droit sortie de la section des réponses réfléchies de son cerveau : « Mais tu t’en occupes juste trois jours au complet par semaine. » Est-ce qu’on peut vraiment comptabiliser les heures de travail d’une maman, d’un parent? Combien de nuits nous sommes-nous levés aux deux heures (ou moins) pour l’allaiter, pour réconforter, pour vérifier sa respiration? Combien de journées avons-nous passées à chanter des comptines, nourrir notre enfant, le changer, l’endormir et repartir la boucle sans prévoir de fin, de pause?

Je sais que c’est moi qu’elle demande et ce n’est pas parce que je suis plus belle ou plus fine, c’est parce que je lui donne plus souvent les soins de base, de réconfort, etc. Le cas inverse produirait la même réponse comportementale, croyez-moi. La psycho des kids, je connais ça, mais être maman, voyez-vous, c’est la première fois que je fais ce « métier », et quoique j’aime ma fille plus que tout au monde, il m’arrive de trouver cela très difficile côté énergie.

Difficile de ne plus avoir notre routine de couple des onze années avant elle. Non, jamais au grand jamais je ne regretterai sa présence. Je les aime tellement tous les deux, mais en voulant les aimer autant, je m’éteins à petit feu. Je ne souris presque plus et je pleure plus souvent. (Voilà le paragraphe où j’ai peur d’être jugée.)

Vous voyez, les mères aussi ont besoin d’être nourries, de dormir, de prendre une douche, d’aller faire un tour au Canadian Tire ou au Winners, dans mon cas, pour se vider l’esprit. Mais je ne le fais pas. Je n'ai simplement pas le temps ni l'énergie. Je suis toujours en train de fouiller plus profond dans ma réserve pour en faire plus pour mes amours et les voir sourire ensemble sans qu'ils aient à se soucier de rien d’autre, mais je n’y arrive plus et je me surprends beaucoup trop souvent à me dire...

Je suis fatiguée, fatiguée d’être fatiguée.

Je sais que le bain de la petite ne prend que deux minutes à donner. J’en fantasme de ces deux minutes de calme, pour moi, moi seule. J’aimerais tellement que lorsque papa prend la relève, il n’ait pas besoin de mon assistance. Je sais que c’est pour bien faire, pour valider, mais cela ajoute à la charge mentale.

En avez-vous entendu parler, de celle-là? Parce que les femmes, on ne gère pas juste la maison, mais aussi le garde-manger, la liste d’épicerie, le ménage, la lessive, la rotation des vêtements, les menus, les budgets, les calendriers, les rendez-vous chez le médecin, le compte bancaire (pas dans mon cas) et on doit en plus être belles, gentilles et disponibles sexuellement. Est-ce que cela sonne équitable? Pas pour moi. Peut-être que ce ne sera pas fait exactement comme nous si notre conjoint prend en charge des tâches, mais ce sera fait, point. Et c’est pour moi une preuve d’amour et de responsabilité parentale, mais aussi d’empathie.

Bref, j’ai fait un choix, je vais arrêter de vider ma réserve pour moi, mais aussi pour vous, pour vous donner la chance de travailler sur la collaboration. J’aimerais qu’on s’aide et qu’on soit une équipe soudée qui travaille de paire. Que de partager les soins de notre fille soit aussi naturel que de nous les reprocher à un et à l'autre.

Parce qu’après tout, un enfant est le fruit de l’amour et l’amour unit, renforce et aide à aller de l’avant. Je sais que je suis une romantique. J’ai besoin de l’être. Je rêve d’une famille qui travaille ensemble.
Peut-être en rirons-nous à deux, ivres de fatigue, une fois effondrés sur le lit. Je troquerai volontiers mon lamentable et classique rôle de la blonde qui étouffe des petits sanglots sur l’oreiller les jours plus difficiles pendant que le chum, lui, parvient à trouver aisément le sommeil.

Je ne demande pas grand-chose, je veux seulement que nous soyons fatigués, fatigués d’être fatigués, mais à deux.