Devenir parent, c'est entrer dans un monde de découvertes, avancer à l'aveugle dans un univers inconnu et en apprendre beaucoup sur soi. En quelque sorte, la parentalité a le don de nous faire sortir de notre zone de confort et souvent, nous avons à nous repositionner tout en nous questionnant.

Du plus loin que je me souvienne, je me suis toujours sentie différente, mais c'était « gérable » et je naviguais très bien avec ça. Puis, je suis devenue maman. J'ai tout aimé de la maternité et j'ai humé l'odeur de mes bébés jusqu'à ce qu'ils ne soient trop grands, puis rendue là, je me suis émerveillée de leurs personnalités et de leurs propres points de vue. C'est là que le « trouble » a commencé pour moi, le jour où j'ai réalisé à quel point je pouvais influencer ce même point de vue. Plus que jamais, je voulais sortir du moule. Je ne désirais pas que mes enfants se teintent d'une vision unilatérale du monde, mais qu'ils vivent une expérience plus globale et différente.

C'est exactement là dans l'histoire que le paradoxe est venu frapper bien comme il faut à la porte de mes envies anticonformistes. Il y a cette partie qui veut changer de vie, qui désire ne pas correspondre aux standards de la société puis il y a l'autre partie : le parent. Changer de vie et totalement se réinventer quand nous sommes seul.e.s c'est une chose, mais en étant parent, c'est la vie de tout le monde qui sera changée aussi et rien ne dit que les enfants eux, veulent être différents. Ça devient une réflexion plus complexe qui implique beaucoup de personnes.

Faire la part des choses devient délicat et j'ai rapidement compris que ça prendrait du temps (ça, c'est la chose que tu as l'impression de ne pas avoir en trop quand tu regardes tes enfants grandir trop vite). J'ai réalisé par le fait même que je n'assumais peut-être pas assez ma propre différence et que j'ignorais jusqu'où je voulais pousser ma limite. Une partie de moi voudrait sortir mes enfants du système scolaire et l'autre me dit que c'est loin d'être simple et que c'est lourd de responsabilités. Je voudrais partir au fin fond de la campagne pour leur enseigner à semer, à récolter, à vivre avec moins pour vivre plus simplement, mais je n'ai pas envie de les déraciner et je me dis que puisque nous sommes déjà pas mal en campagne, nous pouvons le faire maintenant. Je voudrais leur apprendre des leçons de vie qui iront à l'encontre de notre société de performance et de leur donner envie de sortir du rang pour être ce qu'ils sont simplement. J'ai le désir de leur dire qu'ils pourront être tout ce qu'ils voudront... et de le penser! Bref, tant de questions et de choix.

Ce que j'ai acquis au cours de toutes ces réflexions, c'est qu'être un parent anticonformiste, ça demande du temps, de la patience avec soi et que chacune de mes pensées qui vont à contre-courant donne déjà à mes enfants l'opportunité de construire leur opinion à partir de ce qu'ils sont. Je ne sais toujours pas jusqu'où je veux cesser de me conformer, mais je me dis que de réfléchir à la question est déjà une façon d'avancer.

Il y a d'autres parents comme moi ou d'autres qui ont pleinement assumé leurs différences?