Ma sage-femme m’en avait parlé pendant le suivi de grossesse : si j’étais d’accord, elle proposait que l’on ne fasse pas d’examen vaginal pendant mon accouchement. À moins évidemment que le travail ne stagne, ou que je présente certains signes nécessitant une vérification du col ou de la position du bébé. Mais outre ces exceptions, nous irions plutôt « avec le flot ».
 
C’est fou comme on est habitué.e.s à s’appuyer sur des mesures et des chiffres dans nos rapports à nos corps et à notre santé. Ces chiffres sont des repères qui nous rassurent (Combien je pèse? Est-ce que j’ai atteint mon poids santé?), souvent de manière justifiée (Combien de fièvre fait mon enfant? Dois-je me rendre chez le médecin?). Ils orientent les actions que l’on doit entreprendre pour notre santé. J’étais donc surprise de la proposition de ma sage-femme. En fait, je ne savais même pas que ça se pouvait, un accouchement sans examen vaginal! Je pensais que c’était nécessaire de connaître la dilatation du col en cours de travail, pour se situer par rapport aux étapes de l’accouchement.
 
Ça peut être important, oui, m’a dit ma sage-femme, surtout lorsque le travail stagne et que l’on doit décider des actions à entreprendre pour le stimuler (bouger, monter et descendre des marches, crever la poche des eaux, injecter du pitocin, etc.). Mais lorsque le travail suit son cours, lorsque l’écoute du cœur du bébé nous confirme que tout va bien, pourquoi serait-il nécessaire de s’attacher à des chiffres? Ça peut être encourageant, dans certains cas, quand l’on se découvre « plus avancée » que l’on ne le croyait. Mais ça peut aussi avoir un effet décourageant, quand on se sent arrivée à un plateau alors que l’on se découvre dilatée qu’à 3 cm.
 
En plus, les « étapes » de l’accouchement, que l’on rattache à l’évaluation en cm de la dilation du col, sont des normes générales. Mais dans les faits, le travail de chaque femme, lors de chaque accouchement, évolue différemment. On peut passer de longues heures de latence à dilater jusqu’à 3 cm, pour ensuite dilater en flèche et passer à 10 cm en 45 min. Ou bien tout peut stagner à 9+ cm, et le corps peut prendre plusieurs heures de repos avant d’amorcer la poussée. On ne sait pas comment ça va se passer. On ne le sait jamais.
 
J’ai donc décidé d’y aller avec le flot. De faire confiance à mon corps, de faire confiance aussi à la capacité de ma sage-femme à lire la situation (après tout, elle avait 15 ans d’expérience d’accompagnement à l'accouchement derrière la cravate!). Et ça a été merveilleux. De ne pas savoir où j’en étais. De ne pas chercher à comprendre, à calculer, à me situer, mais de juste me laisser emporter par le cours dévalant de la rivière en crue qu’était mon corps. 
 
Ma sage-femme n’a finalement effectué qu’un seul examen, au moment où j’ai commencé à ressentir l’envie de pousser. Elle voulait alors s’assurer de la dilatation complète de mon col. À ce moment-là, la poche des eaux était si élastique qu’elle a eu du mal à évaluer la dilation, mais tout semblait suivre le cours normal des choses, et elle m’a conseillé de me laisser aller dans la poussée. S’en est suivi un 40 minutes de cris semblant sortir des abîmes les plus profonds de mon être, jusqu’à l’arrivée feu-d’artifice de mon fils, mon petit soleil de mai.
 
Ce que j’ai le plus apprécié, d’accoucher sans examen vaginal ou presque, c’est que ce ne sont pas les chiffres qui ont rythmé mon expérience. En fait, j’ai eu le sentiment qu’il n’y a pas eu d’« étapes » à mon accouchement, mais seulement un long chemin, une piste se déroulant sur elle-même, un cours d’eau dévalant son lit. J'y reviens toujours, à cette image de rivière, quand je pense à mon accouchement. C'est l'image, un peu magique, de la naissance de mon fils.
 
Si l’expérience d'un accouchement sans examen vaginal vous tente, et que les professionnel.le.s qui vous suivent sont à l'aise avec l'idée, je vous recommande chaudement de l'essayer!
 
Combien d’examens vaginaux vous a-t-on faits pendant votre accouchement?