J'en avais parlé ici : ma fille a développé une jaunisse à quelques jours de vie. Ça s’est résorbé rapidement, mais il n’en reste pas moins que ces 30 heures dans l’unité de néonatologie m’ont marquée pour toujours.
 
J’étais préoccupée. Je ne quittais pas ma fille des yeux. Je ne pensais qu’à elle, démunie dans sa couveuse. La seule chose que je pouvais faire, c’était chaque 3 heures, lui donner mon lait. J’avais déjà une bonne production. Je l’allaitais d’abord et je finissais ensuite avec le lait que j’avais tiré (elle était trop faible pour seulement allaiter). Je n’ai pas dormi durant plus de 27 heures, mais je ne me sentais pas dépourvue : je lui donnais le lait qui allait augmenter ses forces et l’aider à vaincre sa jaunisse.
 
J'étais toutefois si fatiguée que je pensais m'effondrer. Deux personnes sont venues me voir pour me porter de la nourriture, en début de nuit. C’est là que j’ai réalisé que je n’avais rien mangé de la journée. Mon grand frère et mon amie. Un ange gardien, une fée marraine, que j’ai pensé. Ils étaient là, inespérés, au moment où j’en avais le plus besoin. J’ai décidé à ce moment précis : je veux que ces deux personnes soient le parrain et la marraine de ma fille. Donner de la nourriture, surtout dans ces moments de besoin, c’est donner un peu de la vie.
 
Nous avons eu notre congé le lendemain. Nous pourrions enfin quitter cette pièce froide de l’hôpital, remplie de petites couveuses avec presque juste des bébés prématurés. En quittant les lieux, après avoir remercié l’infirmière, j’ai balayé la pièce du regard. Il n’y avait que des mères dans la salle. Des mères inquiètes, épuisées. Je leur ai souri en leur souhaitant mentalement  des anges gardiens pour soulager leurs cœurs de mamans tourmentées, et un congé rapide pour leurs bébés neufs.
 
Quelques semaines plus tard, le séjour de ma fille en néonat n’était plus qu’un mauvais souvenir. En prenant un café, une amie qui avait donné naissance à son petit garçon prématuré 3 ans auparavant a offert de me prêter un tire-lait électrique. Au même moment, j’ai vu passer l’annonce d’Héma-Québec : on cherchait des donneuses pour la banque de lait maternel pour les grands prématurés. Et tout m’est revenu : la salle de néonatologie, les mamans fatiguées et inquiètes, leurs bébés minuscules. Si je pouvais aider, il me semble que ça me soulagerait l’âme un peu.

Je n’ai passé que 30 heures dans l’unité de néonatologie, mais je n’oublierai jamais les yeux tourmentés des mamans vannées, lessivées. Je ne peux imaginer si en plus de tous les tracas avec leurs bébés, elles ne réussissaient pas à leur fournir l’or blanc dont ils ont tant besoin. On n’a plus besoin de redire les bienfaits du lait maternel, surtout sur les grands et très grands prématurés. En somme, vous pouvez aider à éviter des maladies ou la mort, en donnant votre lait.

En faisant don de mon lait maternel à d’autres mamans, je n’aurais plus à être démunie et simplement leur souhaiter dans ma tête un ange gardien, comme celui et celle qui sont venus me porter de la nourriture dans un moment de détresse. Je pourrais devenir à mon tour, une fée marraine. Et peut-être que vous aussi.

Crédit : Caroline Dawson

Pour s’informer sur comment donner à la banque publique de lait maternel, c’est ici : Héma-Québec