Mi-novembre, dimanche soir relaxe. Mon amoureux et moi, on a une discussion sur le cadeau qu’on va offrir à notre fille pour Noël. Et on ne s’entend pas.

Notre fille a beaucoup changé cette année. Elle est passée dans un autre univers, maintenant qu’elle a ses deux chiffres. Physiquement, elle ressemble davantage à une jeune fille qu’à une enfant, mais sa tête ne suit pas toujours. Elle est devenue plus mature, elle a développé des goûts bien à elle. Mais souvent, c’est encore une petite fille, dans ses désirs et ses émotions. Le problème, c’est qu’on dirait qu’elle ne s’accorde plus le droit d’être une enfant.

Elle passe plus de temps sur sa tablette qu’avant, à envoyer des messages à ses amies par Snapchat. Elle fait ses devoirs en vidéoconférence. Elle écoute Katy Perry. Elle suit des youtubeuses qui font des tutoriels de fabrication de slim et de manucures.  Elle s’intéresse à l’actualité, aux arts et à la science. Elle dessine sa personnalité adulte, et il faut que j’encourage ça.

Mais parfois, lorsqu’elle est contrariée, elle pleure et boude comme un terrible two. Elle a besoin de son toutou et de son bec de papa et maman avant de s’endormir. À la maison, elle se permet de jouer comme une enfant. Devant les autres et surtout ses amies, elle a une attitude différente. Elle n’écoute plus ça, les Argonautes, parce que c’est bon pour les 8 ans et moins. Mais, ne le dites surtout pas, ils sont religieusement enregistrés sur ma console. Ses poupées SuperGirls sont juste bonnes à faire des vidéos sur Musically. Personne ne doit savoir qu’elle sauve régulièrement le monde avec elles.

Je crois que chaque maman va arriver un jour au même constat que j'ai fait cette année. La société exige que ma fille vieillisse un plus vite qu’elle ne le devrait. La pression sociale et la perception de ses pairs lui font adopter un comportement qui semble parfois emprunté. Même ce qui est culturellement et socialement proposé aux jeunes filles de son âge la fait vieillir rapidement. Je comprends qu’il faut qu’elle passe par là. Qu’elle quitte tranquillement le giron familial pour voler de ses propres ailes. Est-ce que je suis prête? Non. Le serai-je un jour? Je ne le sais pas, mais je n’ai pas le choix.

Depuis quelque temps, elle regarde une jolie poupée qui a l’air d’une vraie préadolescente, avec sa garde-robe. Une tenue de yoga, une tenue décontractée, une robe de soirée. Je sais qu’elle brûle d’envie de l’avoir. Je lui en ai parlé, et elle a avoué vouloir jouer avec. Elle m’a même demandé de sortir la machine à coudre pour lui apprendre à faire d’autres vêtements. Cependant, il y avait un immense avertissement qui venait avec. Ses amies ne DOIVENT PAS savoir qu’elle a une poupée comme ça.

Là où nous n’étions pas d’accord, son père et moi, c’était de lui acheter la poupée. Selon son avis, c’est un gaspillage d’argent, elle est rendue trop grande pour ça. Mais moi, je n’y crois pas. Je me revois, à 14 ans, jouer à la Barbie avec la petite voisine que je gardais. J’y prenais tant de plaisir, mais moi non plus je ne le disais pas à mes amies.

J’ai envie de laisser ma fille avoir 10 ans et d’être une enfant, parce qu’après ce sera fini. Je vais la regarder grandir, et je vais l’encourager à progresser et à s’épanouir. Mais pas trop vite, pas tout de suite. Je suis consciente que ce sera son dernier jouet, et que bientôt peut-être, il sera plus souvent dans le placard que dans ses bras. Mais c’est correct.

La poupée est bien là, emballée sous le sapin. Une jolie châtaine aux yeux bleus, comme une petite réplique de ma fille. Elle attend Noël avec toute sa garde-robe. Il y a aussi un roman de Léa Olivier, parce que j’ai autant hâte qu’elle de tout savoir sur les amours tumultueuses de cette adolescente.

Cette année, elle recevra un peu des deux, quelque chose qui la raccroche à l’enfance, quelque chose qui lui ouvre les portes du monde des grands. Pour qu’elle et moi, nous fassions la grande transition tout en douceur.