Dans le joyeux chaos de ma famille recomposée, nous avons un sérieux problème de lexique. Tout le monde s’entend plutôt bien et le village autour de ma fille et mes beaux enfants est grand. Pourtant, le vocabulaire pour nommer tout ce beau monde, lui, est assez restreint. Je me rappelle moi-même d’une scène assez absurde où j’ai eu à expliquer que cette cousine c’était en fait « la fille de la blonde du frère de la blonde de mon père », un titre à rallonge qui avait de quoi essouffler mon interlocuteur.

Commençons par le début : je suis qui, pour les enfants de l’Amoureux?! Je suis la belle-mère? C’est légèrement péjoratif dans l’imaginaire et surtout ça deviendra ambigu quand les ados auront à leur tour des amoureux.ses. Le terme exact, ça serait marâtre, selon le Petit Robert, « femme du père, par rapport aux enfants qu’il a eus d’un premier mariage ». C’est un terme dépréciatif. Au Québec, en plus, il réfère à la belle-mère d’Aurore l’enfant martyre. En anglais, au moins, il y a le terme step-mom qui est relativement neutre, je crois. Déjà que la littérature malmène vraiment ce rôle (allô Cendrillon!), il me semble qu’il faudrait un mot juste pour décrire ce rôle en croissance de manière positive.

Autre défi lexical, ma marâtre à moi, comment on l’appelle? Avec ma fille, aucune ambiguïté sur le rôle : c’est sa grand-maman, gâteau, gaga, etc. Mais sérieusement, comment la nommer si on veut un mot juste? Grand-marâtre? Est-ce que toute sa vie Bébé-Poussin devra raconter un peu de l’histoire de notre famille pour expliquer qui est sa Grand-Lulu (le nom que nous lui avons trouvé, combinaison entre Grand-Maman et son surnom! J’en suis plutôt fière, mais c’est encore un compromis...)

Maintenant, comble de tout, cette fameuse Grand-Lulu, pour mes beaux-enfants, on la nomme comment? Grand-marâtre-marâtre?! Ça devient compliqué expliquer que c’est la « blonde du père de la blonde à mon père ». Dans ce cas-là, à ma connaissance, il n’y a vraiment aucun mot, même péjoratif.

On continue : les beaux-frères de mes beaux-enfants, les fils de l’Amoureux de leur mère. Encore là, ça va devenir compliqué lorsqu’ils vieilliront. Est-ce que c’est le beau-frère, fils du chum de leur mère, leur parâtre (oui, ça existe, mais… euh…) ou alors le beau-frère, frère de l’amoureux.se? Il manque encore une fois un mot. Parlant de fratrie, je pourrais ajouter : Miss-Poussin et Grand-Poussin sont les frère et sœur de Bébé-Poussin. Normalement, on dit demi-sœur, et pourtant, ce n’est vraiment pas une demi-relation ou un demi-amour fraternel.

Je n’ai pas vraiment de solution à proposer à part celle de faire preuve d’un peu de créativité lorsqu’on est dans un cadre familial particulier (mon discours est très hétéronormatif, mais je me doute bien que c’est tout aussi compliqué du côté des couples homosexuels). Pourtant, il me semble qu’il commence à être temps que l’on trouve quelques nouveaux termes pour nommer des réalités de plus en plus présentes. Dans un contexte où 1 enfant sur 10 au Canada vit dans une famille recomposée, l’Office québécois de la langue française, pourtant si imaginatif dans d’autres domaines, devrait commencer à s’y pencher.