Il y a des matins comme aujourd’hui où c’est plus difficile de se sortir du lit. Pas à cause d’un virus familial cette fois, ou à cause d’une nuit trop courte ou d’un manque de motivation à aller au boulot. Non, aujourd’hui, c’est autre chose. C’est plus large, ça me dépasse et m’envahit, c’est social, collectif, ça concerne le monde et ma place privilégiée dans ce monde, et c’est si fort que même les sourires de mes petits peinent à m’apaiser.
 
Il y a des jours comme ça où on s’éveille sur un monde qui a permis que soient tués près de chez soi 6 musulmans alors qu’ils étaient réunis pour prier. 1 an aujourd’hui, un anniversaire dont je me serais passée.
 
Je ne me sens pas la meilleure pour écrire sur le sujet, je me sens atterrée, révoltée, abasourdie encore de cet événement.
 
Je ne veux pas faire dans le human interest (même si je voudrais vous parler de comment j’ai pleuré en voyant les photos des familles des hommes assassinés), je ne veux pas non plus faire dans la culpabilisation : personne évidemment n’est coupable, sauf l’auteur de cet acte épouvantable. Mais je pense que nous devons faire dans la responsabilisation.
 
Nous sommes responsables, comme société, de nommer ce qui s’est passé. Il s’agit d’un acte raciste, islamophobe. Il s’agit aussi de terreur : de l’usage d’une arme pour terroriser une communauté, pour porter un message de haine et d’exclusion.
 
Nous sommes responsables, comme société, de dénoncer les discours xénophobes qui continuent, même après cet attentat meurtrier, à peupler les radios, les journaux, le Web, les partys de famille, les réunions de bureau. Dénoncer et déconstruire patiemment, aussi, toutes les croyances erronées, les préjugés et les stéréotypes attribués aux personnes musulmanes, et, plus largement, à toutes les personnes racisées, autochtones, immigrantes, réfugiées, ou marginalisées. Dénoncer aussi les lois adoptées par nos gouvernements par pur opportunisme politique, qui participent à exclure ces communautés de nos espaces publics et de discussion.
 
Nous sommes responsables, comme société, d’éduquer nos enfants à la rencontre, à la curiosité, à l’histoire (de la colonisation, du fascisme, des guerres, des rencontres, des luttes sociales et des métissages), à la responsabilité, à l’antiracisme, et à la révolte. Oui, d’enseigner à nos enfants l’esprit critique, le dialogue, la solidarité, et la pointe d’insolence nécessaire pour répondre aux bien-pensant.e.s et aux racistes de tout acabit.
 
Nous sommes responsables de déconstruire avec eux cette idée qu’il est normal, « humain », d’avoir peur de l’« autre ». Il est aussi très humain d’aller à la rencontre des autres. En fait, être humain, n’est-ce pas vivre avec d’autres? N’est-ce pas être différent.e des autres, mais pourtant aller vers eux pour discuter et inventer une vie ensemble?
 
À la mémoire de ces hommes tués ici parce qu’ils étaient musulmans, en solidarité avec leurs familles et leurs ami.e.s, allons à la rencontre les un.e.s des autres, affirmons notre diversité, notre solidarité, notre refus de la haine. Crions au monde notre envie d’inventer ensemble des manières de vivre où justice, inclusion et différence feront la force de nos promesses.  
 
À la mémoire de
Ibrahima Barry
Mamadou Tanou Barry
Khaled Belkacemi
Abdelkrim Hassane
Azzedine Soufiane
Aboubaker Thabti
et de toutes les victimes d’attentats racistes à travers le monde