Il y a quelque temps, je suis tombée sur un excellent article dans la Gazette des femmes qui s’intitulait « La parentalité est une femme blanche de classe moyenne ». L’auteure, Takwa Souissi, y discutait du manque de diversité dans tous les discours qui entourent la parentalité. J’ai eu envie d’en parler un peu plus avec elle, et un soir, après qu’on ait chacune coucher nos enfants, nous avons jasé de tout ça au téléphone.
 
Takwa est née aux États-Unis, de parents d’origine tunisienne. Elle est arrivée au Québec à l’âge de 4 ans, et a donc grandi ici. Elle a toujours été passionnée par l’écriture, et travaille actuellement en journalisme. Elle est pigiste par choix, car elle aime le travail autonome, et cela lui permet de rester à la maison avec ses deux jeunes enfants. Elle est aussi co-fondatrice du blogue Olive + Érable.

 

Takwa, lors de l'animation d'un atelier d'écriture créative à la librairie Racines, à Montréal-Nord.
Crédit : Takwa Souissi

Dans ton article « la parentalité est une femme blanche de classe moyenne », tu constates le grand manque de diversité dans les représentations de la parentalité dans les médias, dans la littérature ou sur les réseaux sociaux. Pourquoi as-tu eu envie de t’intéresser à ce sujet?
Au départ, ce sujet m’est venu de manière « instinctive », c’est-à-dire que j’avais l’impression qu’il y avait un manque de diversité dans les représentations de la parentalité, mais ça restait à prouver. J’ai alors mené mon enquête.
 
Au niveau du marketing, c’était assez facile à comprendre : la publicité montre toujours des femmes blanches puisque l’objectif est d’atteindre la clientèle cible.
 
Mais je voulais m’intéresser plus amplement aux discours, entre autres aux recommandations qu’on fait aux mères quant aux soins à donner aux enfants. Je remarquais qu’il n’y a souvent qu’un seul discours dominant, alors que je suis entourée de femmes qui ont des pratiques de toutes sortes. Par exemple, quand il est question d’emmaillotage prolongé, d’allaitement prolongé, ou encore de l’introduction des solides... Comment faire quand les recommandations des intervenant.e.s vont dans le sens contraire de nos traditions culturelles, de ce que nos mères faisaient et veulent nous transmettre?

 

Crédit : Pixabay

Mon enquête m’a donc menée sur la piste des recherches scientifiques sur lesquelles s’appuient les recommandations. Je me suis rendu compte qu’elles sont, pour la plupart, de sources nord-américaines et européennes. Les participantes aux études sont donc des femmes blanches de classe moyenne. Quand les données scientifiques se fondent sur les pratiques d’un seul groupe culturel, on peut difficilement s’attendre à ce que les discours sur la santé soient diversifiés.
 
Quel impact ça a, d’après toi, ce manque de diversité, sur les familles qui ne se reconnaissent pas dans le modèle dominant?
D’abord, je pense que ça un impact sur toute la société, en général. C’est tellement enrichissant lorsqu’on sait qu’il y a plusieurs manières de faire. Ça vient nuancer notre expérience, et apaiser la culpabilité, parce que personne ne cadre tout à fait dans le modèle. On est tous.tes différent.e.s, il y a des différences culturelles, mais aussi des différences de classes et de capacités, et nous avons à apprendre de toutes ces expériences pour bien comprendre la parentalité.

 

Crédit : Pexels

Pour les familles issues de la diversité, l’impact se fait ressentir surtout au niveau de la culpabilité. On se sent coupables de ne pas suivre les recommandations, et inadéquates aussi. Cela exerce une pression psychologique de plus dans l’apprentissage de la parentalité, qui implique déjà souvent de l’isolement. 

La suite de l'entrevue demain!