En tant que prof, mère, citoyenne, l’école est un sujet qui me tient à cœur. Selon moi, l’éducation est l’enjeu politique qui surpasse tous les autres, celui par lequel notre bien-être individuel et collectif passe. Depuis des années, un sujet m’interpelle particulièrement et m’amène à avoir des débats passionnés et souvent houleux avec mes amis et mes collègues : le financement public de l’école privée.

Je suis farouchement contre, évidemment. J’en ai déjà parlé ici d’ailleurs, en réponse aux célèbres chroniques de Patrick Lagacé. Au risque de paraître radicale, pour moi, l’équation est simple. Envoyer son enfant à l’école privée, c’est un choix politique, un choix qui a des conséquences sociales. Envoyer son enfant à l’école privée, c’est faire passer le « je » avant le « nous ». C’est vouloir le proverbial meilleur pour SON enfant et laisser pendant ce temps NOS enfants s’enfoncer un peu plus.

Penser à SES enfants et oublier les autres.
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J’enseigne dans une école publique. J’y côtoie des dizaines d’enseignants passionnés, tout aussi qualifiés que leurs collègues du privé. Une bonne proportion de ces profs envoient leurs propres enfants au privé, et ça me brise le cœur. Cette forme de désaveu du milieu dont ils sont la colonne vertébrale contribue à la dégradation de nos conditions de travail.

Comprenez-moi bien, il se passe des choses merveilleuses dans nos écoles publiques, des choses dont on ne parle pas assez souvent. Ces élèves défavorisés qui ne maîtrisent pas le français dont on parle souvent comme d’un poids, eh bien ce sont mes préférés. Mais force est d’admettre que le taux de décrochage au Québec est alarmant. Il y a donc quelque chose qui cloche avec notre système.

Ce qui ne fonctionne pas, c’est surtout que nous avons le système scolaire le plus inégalitaire au Canada selon une étude du Conseil supérieur de l’éducation. Aucune autre province n’a une aussi grande proportion de ses élèves qui fréquentent l’école privée. Environ 20 % des élèves québécois fréquentent le privé, alors que ce pourcentage est de 5 % en moyenne dans le reste du Canada. Et ce, sans compter les écoles publiques qui sélectionnent les meilleurs élèves pour des programmes particuliers, ce qui ajoute un autre 20 % qui ne fréquente pas le public régulier. Le Québec est aussi la province avec le plus haut taux de décrochage scolaire, et ce n’est pas une coïncidence. 

Le drame, c’est que les études le montrent : la ségrégation scolaire nuit grandement aux élèves en difficulté. Dans les classes homogènes et faibles, les élèves réussissent moins bien. Les élèves forts eux, réussissent tout aussi bien dans une classe mixte que dans une classe où ils sont regroupés. Séparer les forts des faibles, c’est pratiquement condamner ces derniers à l’échec. Il est faux d’affirmer que les faibles tirent les forts vers le bas. C’est plutôt le contraire qui se produit. Quand il n’y a pas 40 % des élèves qui sont exclus du public régulier, évidemment…

C’est pourquoi j’ai été plus qu’enthousiaste quand j’ai vu l’initiative du mouvement L’école ensemble. Né en mai 2017, ce mouvement vise à pousser les principaux partis politiques à adopter dans leur programme trois grandes mesures en vue des élections d’octobre 2018 : offrir de l’aide aux plus faibles et de l’enrichissement aux plus forts au sein d’une classe commune, mettre fin à la sélection des élèves au public et surtout, mettre fin au financement public de l’école privée.  L’apocalypse, la fin des subventions au privé? L’Ontario l’a pourtant fait depuis des années et son système d’éducation se porte mieux que le nôtre.

Pourquoi ne pas oser, ici aussi? Pourquoi ne pas privilégier TOUS les enfants, et pas seulement les enfants déjà privilégiés?  Pourquoi ne pas se retrousser les manches et construire ensemble l’école dont on rêve, une école inclusive, innovante, efficace? C’est ce que je nous souhaite et le parti qui fera cette proposition aura mon vote.

Je vous invite à regarder la vidéo du mouvement et à signer sa pétition!