Depuis quelques soirs, chaque fois c’est la même chose qui se produit lorsqu’on s’attable pour le souper : « As-tu vu…? », « As-tu lu le Tweet de…? », « As-tu écouté…? ». On reste un peu muets, perplexes. « J’ai pas été capable d’écouter l’audio des enfants qui pleurent ». On se fâche. « Si tu penses que je vais mettre les pieds dans ce pays-là! ». Tout ça en essayant de ne pas trop s’imaginer dans la situation de ces 2 000 (et plus) enfants séparés de leur famille à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Coupables : on s’enferme dans notre privilège, parce que la réalité est trop douloureuse.

Je vois des gens qui redéfinissent des termes comme « cage » pour excuser leurs gestes. J’en vois d’autres qui accusent des enfants de quatre ans en larmes d’être des acteurs payés. Je vois un animateur de Fox News qui répond « womp womp » à un homme qui lui parle d’un enfant de 10 ans, atteint du syndrome de Down, qui fut séparé de ses parents. Comment en sommes-nous parvenus là?

Un comédien américain que j’apprécie beaucoup, Kumail Nanjiani (« Silicon Valley », « The Big Sick ») a dit l’une des choses les plus sensées que j’ai lues dans les derniers jours. « Je crois sincèrement que d’argumenter et d’essayer de convaincre les gens ne fonctionnera pas. S’ils peuvent voir des photos d’enfants dans des cages et le justifier, de quelque façon que ce soit, on ne peut plus rien pour eux. C’est une perte de temps et d’énergie. Nous devons mobiliser et motiver les autres, ceux qui sont horrifiés, avec raison. » (Traduction libre).
 

Crédit : Kumail Nanjiani / Twitter

Dans cette optique, j’ai essayé de voir ce que je pouvais faire, l’inaction me semblant insoutenable et la surcharge informationnelle me minant peu à peu. Ma collègue Estelle a déjà donné quelques pistes pour agir, au-delà du slacktivism qui prend souvent le dessus. De mon côté, j’ai pensé écrire à ma députée ce matin, pour lui montrer que ses concitoyens ne demeurent pas impassibles. Vous pouvez trouver les adresses courriel de votre député fédéral ici ou sur le site de leurs partis respectifs.

Bonjour Madame Laverdière,

Comme la plupart de mes concitoyens, la lecture des nouvelles des derniers jours m'horrifie de plus en plus. Au-delà des frasques habituelles de Donald Trump, ce qui se passe présentement à la frontière du Mexique est une situation inhumaine et cruelle. La séparation des familles est non seulement inconcevable, les conditions de détention sont contraires aux normes du droit international.

Votre chef Jagmeet Singh est lui-même fils d'immigrants et je suis certaine qu'il est sensible à cette situation déconcertante. Que pouvez-vous faire pour signifier aux États-Unis que le Canada ne sera pas complice de ces méthodes effroyables? Ma famille a déjà fait un don à l'organisme RAICES et avons signé la pétition d'Amnistie Internationale.

Merci d'avoir pris le temps de me lire.

Est-ce pour me donner bonne conscience de ne pas être restée sans rien faire, alors que j’avais accès à toute cette information sur Internet? Est-ce pour me rassurer de ne pas être restée là, les bras croisés? Peut-être. En attendant de trouver mieux, j’essaie de transformer mon indignation en action.

Une manifestation est d'ailleurs prévue ce vendredi à Montréal si vous souhaitez agir vous aussi. Les infos sont juste ici!

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