Quelques semaines après la naissance de mes filles, l’une des premières choses qui intriguaient les gens était de savoir si elles faisaient leurs nuits. Et par nuit, on sous-entendait souvent un sommeil continu de 8h. Plus les mois s’écoulaient, plus les questions s’accumulaient. Est-ce qu’elles se tiennent assises seules, est-ce qu’elles marchent, est-ce qu’elles parlent, est-ce qu’elles sont propres, est-ce qu’elles connaissent les décimales de Pi? La plupart de ces personnes cherchaient probablement à faire la conversation ou simplement à s’informer de l’évolution de mes enfants sans trop se souvenir du rythme auquel un bébé évolue.

Reste que ces questions récurrentes nous amènent parfois à remettre en question nos capacités parentales. Est-ce normal que la fille de la voisine marche à 9 mois alors que la mienne peine à avancer à quatre pattes? C’est fou le temps et l’énergie que nous pouvons perdre à attendre la prochaine étape avec impatience. Les comparaisons entre enfants sont malsaines et n’amènent absolument rien. Sans compter que chaque enfant possède sa propre personnalité et que l’environnement dans lequel il évolue diffère nécessairement de celui des autres. D’ailleurs, mes filles qui grandissent pratiquement dans le même contexte n’évoluent pas au même rythme.

L’âge auquel un enfant qui se développe normalement arrive à faire quelque chose ne change rien dans l’absolu.  Ce n’est pas parce que ma plus vieille a été propre à deux ans et qu’elle s’exprime relativement bien pour son âge qu’elle sera astronaute. J’oublie parfois moi-même qu’elle n’a que deux ans et demi et que je ne dois pas être trop exigeante à son égard. Il ne faut pas perdre de vue l’essentiel et s’empêcher de profiter pleinement du moment présent. Nous devons aider nos enfants à traverser toutes les étapes de leur développement et profiter de chacune d’entre elles, peu importe le temps qu’elles nécessiteront.

C’est avec l’arrivée de ma deuxième que j’ai compris à quel point il m’était essentiel de modifier mes attentes et ralentir pour être au même rythme que mes filles. J’étais épuisée par ma deuxième qui tardait à faire ses nuits, par le fait d’avoir deux enfants en couches, par ma plus vieille qui prenait une éternité à s’habiller et qui s’entêtait à tout faire seule alors que mon bébé criait d’impatience. Tout ça me rendait agressive et je commençais à critiquer un peu trop souvent ce qui se passait dans ma maison.

Puis, en cherchant à comprendre ce qui se cachait derrière leurs crises, j’ai réalisé que plus j’avais d’attentes, plus je disais systématiquement non, plus je les pressais, plus je devais gérer du bacon frétillant sur mon plancher et des pleurs stridents. J’ai compris que mon rôle est de les accompagner dans leurs apprentissages et non pas de leur imposer ma vision des choses et mon rythme effréné sans être attentive à leurs besoins.

Je pense qu’il faut arrêter de voir l’enfance qu’avec nos yeux d’adulte. Parce qu’autrement, on ne peut qu’être déçu.e.s et trouver que c’est pénible d’être parent. Quand la vision d’un enfant et celle d’un adulte se mélangent, ça peut donner quelque chose de beau et simple. Et, trop rapidement, nos petits humains deviendront de grandes personnes et nous regretterons ces doux moments où nous leur faisions croire que les bisous avaient le pouvoir de guérir les bobos.