1. Tu viens de la banlieue de Montréal, est-ce que tu sens qu'il y avait une ouverture face au LGBTQ+ au moment de ton coming out?

Il y avait assurément à cette époque, on parle d’il y a 20 ans, un grand manque d’ouverture. Celle-ci ne se traduisait pas par une hostilité, bien que j’aie subi de l’homophobie au secondaire et dans diverses situations, mais plutôt par un sentiment de ne pas fitter, un sentiment d’être jugé et de perturber l’écosystème.

2. Comment s'est déroulé ton coming out et à quel âge?

J’ai choisi de faire mon coming out à 16 ans, tout juste à la sortie du secondaire, car sachant que j’allais faire mes études collégiales à Montréal, je pouvais sortir du garde-robe et me sentir libre. J’ai écrit une lettre à ma mère que j’ai placée dans sa voiture le matin. J’ai ensuite passé deux jours hors de la maison par gêne et par peur de devoir en discuter. Ma mère l’a ensuite dit à mon père. Je ne sais toujours pas aujourd’hui si ma maman a gardé cette lettre, c’est son jardin secret. Chose certaine, je n’ai pas souffert d’avoir fait mon coming out, je suis devenu un super héros qui brillait de mille feux tant il était libre!

3. Quand tu as dit à tes parents que tu étais homosexuel, est-ce que ç’a été difficile?  

Je viens d’une famille ouverte et aimante, je suis choyé. Cela a pourtant été difficile pour mon père qui a travaillé en secret avec ma mère pour accepter mon homosexualité. Ils se sont fait, et cela je l’ai su 15 ans plus tard, la promesse de ne jamais  me faire sentir leur inconfort. Et en effet je me suis toujours senti entouré d’amour et de soutien. Il y a eu cependant une passe difficile avec ma mère, nous étions si proches, où face à mon émancipation, elle avait le sentiment de ne plus reconnaître son fils, de le perdre, allant même à penser que l’on me «brainwashait».  Il s’agissait évidemment d’une incompréhension et d’une réaction affective. De plus, ma mère se trouvait entre l’arbre et l’écorce, coincée entre mon émancipation flamboyante et l’inconfort de mon père. Cela a dû être difficile pour elle à plusieurs égards. Pour ce qui est de mes deux frères, qui se sont parfois battus pour protéger ma réputation (je suis l’aîné)  ils ont toujours été exemplaires, ouverts et fiers. Je leur en en suit extrêmement reconnaissant.

4. Crois-tu que les parents ont un coming out à faire eux aussi? Au reste de la famille?

Assurément, et cela, je l’ai compris il y a seulement 5 ans, lors du tournage d’une émission de télé ou l’on a pris l’iniative de débriefer sur mon coming out moi, mon père et mes deux frères. Entre «boys». J’ai compris que les parents, frères et sœurs,  doivent aussi faire un coming out à leur réseau social, au reste de la famille, souvent face à des gens moins ouverts qu’eux quand eux aussi doivent «dealer» avec cette nouvelle.  Il y a  cette 2e vague qui existe et qui est dans les mains des parents. Moi je me foutais éperdument que mes tantes et oncles ne me parlent plus, je n’y pensais pas dans cette période ou je vivais enfin, mais mes parents, ce sont leurs frères et sœurs et c’est eux qui ont dû se battre pour que je puisse aller au party de Noël dans l’harmonie. Ça me touche beaucoup, car je n’avais pas eu conscience de cela avant récemment.

5. Est-ce qu'il y a des deuils que tu as dû faire ensuite?

Le deuil de certains amis certes. Mais je suis une personne forte et le sentiment d’être libre quand tu passes toute ton adolescence à ne pas être qui tu es, comble largement  la perte de ces amis qui n’acceptent pas qui tu es, preuve irréfutable qu’ils ne sont pas tes amis en fait! Il y a aussi le deuil de ne pas offrir à nos parents, l’enfant qu’ils souhaitaient, le modèle qu’ils avaient en tête. C’est lourd à porter. Surtout s’il s’agit d’un enfant unique et que celle ou celui-ci ne veut pas d’enfant. Je ne souhaite pas être parent, mais j’ai deux frères qui eux peuvent offrir la joie d’être grands-parents à mes parents. Cela m’a beaucoup soulagé.

6. Crois-tu que les enfants (genre ceux de tes frères) d'aujourd'hui sont plus outillés face à la différence?

Oui assurément et tout part de l’éducation et de la sensibilisation. Il n’est pas rare, même fréquent, de voir maintenant des jeunes couples d’adolescentes ou d’adolescents vivre leur union librement dans l’école. Cela m’émeut beaucoup, chose qui était impensable à mon époque. Évidemment en ville, l’ouverture à la différence est davantage présente, tout comme le multiculturalisme, ce qui emmène d’emblée une conscience de la diversité. Je sens cependant une réelle ouverture des enseignants, parents, et surtout, un désir de s’informer et d’en parler lorsque ceux-ci sont devant l’inconnu. C’est inspirant.

7. Ton conseil aux parents pour expliquer l'homosexualité et les spectres aux enfants?

Allez-y avec votre cœur, informez-vous (Interligne, GRIS Montréal, psychologue de l’école, CLSC), il y a tant de ressources et surtout, parlez-en aux autres parents. Vous trouverez une écoute, des conseils, des histoires similaires à la vôtre et n’ayez pas peur de nommer l’inconfort ou l’inconnu. D’en parler favorise l’échange et l’échange est une ouverture. L’enfant ce qu’il veut, c’est se sentir aimé, respecté et protégé. Offrez-lui cela et tout se fera naturellement. Regardez-le aller et vous apprendrez de lui.

8. Est-ce qu'il y a des choses que les parents devraient éviter de dire pour permettre à leurs enfants de s'épanouir peu importe leur orientation (genre dire que tel truc est gay parce que c'est plus féminin *C'est obvious pour moi, mais pas nécessairement pour tout le monde)

Oui! À l’école et parfois à la maison, même si j’avais une maman qui m’achetait des figurines féminines en cachette et me permettait d’être l’enfant que je souhaitais, je souffrais parfois de ne pas avoir accès aux jeux que je souhaitais. Vous lui offrez une poupée, offrez-lui aussi un camion, et l’inverse. Le meilleur serait, comme je fais avec mon filleul : d’offrir des jouets non genrés à l’enfant pour ne pas qu’il se sente obligé de jouer avec des affaires de gars quand la seule chose qu’il veut, c’est une poupée. Je me suis senti ostracisé à l’école, car j’aimais les poupées, les cordes à danser, etc.  Offrir le choix à l’enfant est primordial, rapidement il trouvera ce qui lui plaît. Ne dites pas à votre enfant, « fais un homme de toi », « Ne fais pas ta princesse »… Ce sont des mots qui blessent et marquent pour la vie. Tout part du vocabulaire qu’on utilise.

Et pour ce qui est du post coming out, de grâce, évitez le : « Je respecte ton choix ou c’est ton choix ». Ce n’est pas un choix! Choisissez-vous d’aimer les rousses ou les blondes? Non. Même affaire.

9. Comment on peut profiter de la fierté de Montréal avec nos enfants?

Il y a le défilé de la Fierté dimanche ou 9 000 personnes participeront au défilé (sans compter les gens qui y assistent), mais il y a une journée de la famille, des spectacles musicaux et de drag queens. Il y en a pour tous les goûts. Mais Fierté Montréal est une chose. Cette fierté de la diversité, célébrez-la à l’année! Soyez fiers de la différence de vos enfants, ils changent le monde!

10. As-tu un exemple de trucs qui te font être fière du chemin parcouru pour les LGBTQ+?

Le mariage pour tous existe depuis 13 ans au Québec, c’est fou. Aujourd’hui, quelqu’un qui est publiquement homophobe passe pour un fou. Les couples de mêmes sexes peuvent adopter. Il y a tant de victoires, mais rien n’est terminé, tout comme l’égalité homme femme et il ne faut pas se leurrer, le Québec et le Canada est un des meilleurs pays du monde pour être LGBTQ+. Mais vous n’avez qu’à faire une heure de route aux É.-U. et la partie vient de changer. La planète tourne vers la droite, rien n’est acquis, c’est épeurant, triste et troublant. Rappelons-nous la chance qu’on a de vivre ici, battons-nous pour les autres humains dans le monde et profitons de ce 10 jours de Fierté Montréal pour réitérer nos valeurs d’ouverture qui nous sont si chères à nous, les Québécois.

Regadez-la vidéo de Jordan qui nous fait l’abécédaire des communautés issues de la diversité sexuelle et de genre juste ici!