« C'est de la violence conjugale », m'a dit mon amie. Elle a été la bougie d'allumage, la première à mettre des mots sur ce que je vivais. Parce qu'avant ça, pour une raison que je ne m'explique toujours pas, je nageais dans le déni. Mais la peur, elle, était réelle, omniprésente. Elle m'empêchait de dormir, de manger ou même de penser clairement. Mon amie m'a fait promettre d'appeler SOS violence conjugale le soir même. Cet appel a été la première étape pour me sortir du brouillard.

J'ai été transférée à la maison d'hébergement près de chez moi. C'était la nuit, mais une intervenante m'a répondu et calmée. Elle m'a donné rendez-vous le lendemain. Je suis arrivée pleine de sentiment d'imposteure. Dans ma tête, les femmes qui viennent ici sont maganées de la vie, sortent avec des brutes, affichent un oeil au beurre noir. L'intervenante m'a trouvée drôle avec mes stéréotypes de la femme battue. « On reçoit davantage de femmes éduquées que tu sembles l'imaginer » qu'elle m'a dit. « Et les agresseurs laissent rarement des yeux au beurre noir. »

Je n'avais aucune idée de la panoplie de services offerts par les maisons d'hébergement.

Quand je leur ai dit que j'ai été traumatisée par mes expériences à la cour, elles m'ont offert de m'accompagner. L'intervenante spécialisée en soutien juridique a passé des journées entières à attendre avec moi au palais de justice, à ne rien faire d'autre que me conseiller et m'apporter son support.

Quand j'ai déménagé dans mon nouvel appartement, elles ont vérifié à leur entrepôt s'il y avait des meubles pour moi.

Quand je leur ai confié que je manquais de sous pour faire l'épicerie, elles m'ont inscrite aux paniers alimentaires. Un coup de main pour les repas et les lunchs et un petit « ouf » dans le budget.

Quand j'ai voulu porter plainte, elles ont pris rendez-vous pour moi avec l'agente sociocommunautaire, qui est venue me rencontrer à la maison d'hébergement en compagnie de mon intervenante. Ce n'était pas facile, mais c'était définitivement le setup le plus confortable possible pour raconter mon histoire.

Quand j'ai constaté que mes enfants avaient des symptômes d'anxiété et que le père a refusé de consentir à ce qu'ils voient une psychologue, elles m'ont annoncé : « Nous avons une intervenante spécialisée pour les enfants qui pourra les rencontrer! »

Quand j'ai voulu entamer ma guérison, elles m'ont aidée à remplir le très rébarbatif formulaire de demande au programme d'Indemnisation des Victimes d'Actes Criminels. Je vois maintenant une psychothérapeute une fois par semaine gratuitement grâce au programme.

On dirait qu'à chaque pas, elles avaient un service pour moi.

Je n'y vais plus, mais je sais que je peux les appeler n'importe quand. Que je serai accueillie dans ce que je vis, avec mes contradictions et mes doutes.

Quand je serai Riche et Célèbre, c'est pour les maisons d'hébergement que je veux devenir mécène. D'ici là, je leur ferai les dons que je pourrai, pour que chaque femme dans ma situation puisse profiter de leurs services.

C'est l'organisme de ma vie.