J'ai déjà écrit sur mon voyage en Espagne seule-avec-bébé. Je ne me suis pas retrouvée pour autant seule tous les soirs à veiller sur bébé endormie, que nenni! Je suis sortie en masse dans les bars, pour y voir du flamenco et déguster des tapas, amenant bébé qui s'endormait sur moi en porte-bébé ou dans la poussette. Parce qu'en Espagne, il n'y a rien d'interdit, de honteux, de spécial ou de bizarre à amener des enfants dans les bars! Ils sont là, parmi les adultes, ils mangent, ils parlent, ils courent. Personne n'envoie aux parents un regard accusateur ni ne lève les yeux au ciel. Au contraire. Les enfants font partie de la joie de la fête et du plaisir de prendre un verre en couple, en famille et avec les êtres chers. Je n'ai vu personne tituber sur les enfants, leur servir un scotch ou avoir un comportement inapproprié. Les adultes savent comment bien se comporter lors de l'apéro entre ami.e.s, le repas arrosé ou le drink de fin de soirée, oui oui!

J'en suis revenue toute chamboulée. Ici c'est tellement compliqué, la conciliation prendre-un-verre-entre-amis et s'occuper-des-enfants. Si un.e ami.e fête son anniversaire dans un bar, il faut que je trouve une gardienne. Ça coûte cher (allô l'inflation, dans mon temps j'étais payée 4$ de l'heure!), alors j'y pense à deux fois. L'autre jour, une amie faisait son lancement dans un bar : gardienne! Une prestation de poésie dans un bar : gardienne! Alors finalement, je manque pas mal d'événements festifs, d'occasions de réseautage ou de moments de rassemblements avec ceux qui me sont chers.

Quand j'étais en couple, il fallait qu'un des deux parents se sacrifie et reste à la maison, donc impossible de partager ce moment de complicité. Depuis que je suis monoparentale, si ça tombe sur un soir-avec-enfants, l'option la plus simple est souvent de passer mon tour. C'est sûr que le réseau d'entraide peut parfois venir à la rescousse : grands-parents, famille élargie, ami.e.s bienveillant.e.s. Mais j'ai aussi envie que mes enfants interagissent avec les adultes qui me sont chers, et vice-versa.

J'ai envie qu'ils puissent faire partie de ma vie et m'accompagner dans ces moments. J'ai envie de leur faire entendre cette poésie ou leur permettre de participer à ce lancement d'une campagne politique. En plus, quand ils sont avec moi, ça aide à briser la glace et à démarrer des discussions. J'ai la chance d'avoir des enfants qui aiment me suivre dans ces événements, qui s'adaptent, qui trouvent le moyen de jouer, de danser, de colorier ou de discuter. Je resterais moins tard, il faut bien coucher ces petites bêtes-là, mais au moins ça me permettrait de faire acte de présence, de saluer les gens, de faire partie du cercle.

Amener ses enfants avec soi dans les bars devrait être normal. Je ne vois pas d'où nous vient cette relation bizarre avec l'alcool, comme si les adultes ne savaient pas se comporter et boire avec modération et qu'il fallait absolument éloigner les enfants sous peine de les corrompre. Ou alors cette croyance que les autres client.e.s ne veulent rien savoir des enfants : en Espagne, ils sont partout, c'est ancré dans la culture, comme ça pourrait l'être dans la nôtre.

Depuis que j'ai lu cet article sur un bar kid-friendly de New York, j'en veux plein dans ma ville! « Avoir un enfant n’a pas besoin d’être la fin abrupte de la vie sociale d’un parent. Ça fait du bien de sortir prendre un verre et de rencontrer les amis », dit une entrepreneure. Faire un bricolage avec son enfant en prenant un verre entre ami.e.s : oui, tellement oui!

J'ai envie qu'on puisse décloisonner la parentalité, parce que là, les fêtes-avec-enfants doivent littéralement avoir lieu derrière des portes closes. Je ne voyais pas ça avant, mais depuis que je suis revenue d'Espagne, ça me saute aux yeux. Là-bas, j'étais une maman plus libre. Je rêve d'un Québec plus inclusif des enfants... et des parents.