Vous avez eu une grossesse difficile? Votre accouchement s’est mal passé? Vous avez eu de la difficulté avec l’allaitement? Voire même, vous n’y êtes pas arrivée? Vous vous êtes sentie comme une incompétente, une mauvaise mère? Vous n’êtes pas seule…
 
Avant d’être enceinte, j’avais déjà vu beaucoup de photos passer, sur Instagram ou ailleurs. Toujours, quand la maternité y était affichée, ce n’était que de la manière la plus reluisante. Des photos de mères affichant leur bedaine dans un paysage enchanteur, sous titrées de citations sur le miracle de la vie. Des nouvelles mamans allaitant, le sourire aux lèvres, le visage maquillé, bien habillées, présentant ceci comme une réalité quotidienne, comme la « bonne façon », naturelle et facile de faire.
 
Je ne vais pas dire qu’on ne m’avait pas avertie. Mais jamais je n’aurais pu m’imaginer que devenir mère me confronterait autant à cette difficulté d’être femme dans cette société, où l’on n’attend de nous rien de moins que la perfection. J’entends plusieurs me dire (des hommes souvent) que porter la vie est la chose la plus merveilleuse au monde. Certes, c’est puissant, et certaines femmes adorent être enceintes, ont des accouchements relativement simples, de  « bons bébés » qui font vite leurs nuits, et allaitent facilement. Je ne veux rien leur enlever. Et attention surtout de ne pas confondre ce que je dis ici avec une remise en question quant à mon choix de devenir mère. Malgré les difficultés que j’ai éprouvées, je n’ai jamais regretté ma décision. J’aime mon fils et je suis immensément heureuse d’être sa maman. Mais imaginez-vous donc qu’avoir détesté être enceinte, faire encore des cauchemars suite à un accouchement désastreux, vivre avec la culpabilité de ne pas avoir été capable d’allaiter, et aimer son enfant jusque dans le fond des os, ça peut coexister. Et aucune femme ne devrait se sentir amoindrie par ces difficultés.
 
Ce que je me demande depuis la naissance de mon fils : Pourquoi, moi, à travers toutes les souffrances physiques, psychologiques, et les remises en question que j’ai vécues, n’ai-je trouvé autour de moi aucun repère, aucun modèle, aucune réponse alternative? Pourquoi, alors que j’étais capable de trouver des ressources infinies de livres, de documentations, d’aide à domicile sur l’allaitement, n’ai-je dû me rabattre que sur moi-même quand j’ai dû me résoudre à l’abandonner? Pourquoi me suis-je fait humilier, ridiculiser, insulter par le personnel hospitalier devant mon désir d’appliquer ma maternité comme je le souhaitais, comme j’en étais capable? Pourquoi considérons-nous le bien-être de l’enfant seulement d’un point de vue médical, et oublions-nous l’amour, les soins et l’attention que deux parents équilibrés et en santé peuvent prodiguer? Pourquoi, au quotidien, alors que nous faisons partie de toutes les luttes féministes, acceptons-nous encore de réduire les femmes à une seule chose, de les confiner à un seul modèle, quand vient le temps de donner la vie et de la faire éclore?
 
Partout, de l’hôpital aux médias en passant par les réseaux sociaux, je n’ai eu droit qu’à un seul côté de la médaille. Nous n’avons souvent droit qu’à un côté de la médaille. Je ne dis pas que ce côté n’est pas bon. Je dis simplement qu’il y en a d’autres. Et si vous aussi avez vécu des difficultés face  à votre maternité, ou même la parentalité, je le répète, vous n’êtes pas seul.e. Vous n’êtes pas incompétent.e. Vous n’êtes pas différent.e. Plein d’autres gens sont passés par où vous êtes passé.e. Nous pouvons accoucher à la maison, en maison de naissance ou à l’hôpital, avoir recours à l’épidurale, aux gaz hilarants, accoucher par césarienne, en trois heures ou en quarante, allaiter ou non, pratiquer le cododo ou non, laisser pleurer notre enfant ou non, et être un parent adéquat. Arrêtons de donner raison à cette pression de la perfection. Arrêtons de carburer à l’envie que nous provoquons chez les autres, volontairement ou non, quand nous n’affichons que le plus « beau » de notre réalité.
 
Je termine en disant que si je n’avais pas eu le support de mon amoureux, et des quelques personnes bienveillantes autour de moi qui m’ont encouragée à prioriser ma santé mentale et physique et le bien-être réel de mon fils, je ne sais pas si j’aurais été capable d’être une aussi bonne mère que je le suis présentement. Parce que oui, je suis fière de dire que je suis une bonne mère.