Je ne veux pas être ironique quand je réponds à des amies qui disent n’avoir plus de bébé parce que leur petit.e fête son deuxième anniversaire : « les miennes ont 13 et 17 ans, alors imagine! ». Je sais que chaque étape de la croissance d’un enfant implique ses petits deuils et renoncements et je ne veux diminuer en rien le chagrin ressenti quand on constate que notre bébé a grandi.  Mais il reste que mon « imagine », je le ressens au fond de mes tripes.
 
Imagine comme ça donne le vertige de voir sa fille partir toute seule pour la polyvalente ou prendre le bus interrégional pour aller au cégep. Imagine le degré d’autonomie que ça prend et qui vient immanquablement avec un certain éloignement du nœud familial, des bras maternels. Imagine comment ça chamboule quand elle préfère s’isoler dans sa chambre plutôt que de venir squatter le divan avec toi. Quand elle va voir un show avec ses amies au lieu de t’accompagner au souper de famille.
 
Imagine à quel point tes bébés sont loin derrière ces grandes jambes et ces cheveux longs montés en chignon. Deux belles jeunes filles les remplacent, que tu aimes autant que les poupons roses qu’elles étaient, mais ce n’est plus pareil. Aussi beau, mais différemment. Avec plus de distance, moins de bisous dans le cou. C’est normal, correct, mais certains jours, le vide laissé entre nos bras de mère-doudou nous fait regarder la photo des deux frimousses accrochée au mur un peu plus longtemps.
 
Je l’ai déjà écrit, je ne veux pas être nostalgique, même que la nostalgie me tombe un peu sur les nerfs. Je ne m’ennuie pas des années 80 ou du grunge, de mes années d’université ou de mes nuits blanches à danser dans les bars.  Je ne suis pas allée au conventum du secondaire, je ne suis pas restée en contact avec mes collègues de travail de 1998. Je ne juge pas les gens qui sont comme ça, ce n’est juste pas moi. Alors pas question de sortir les violons et de pleurer l’enfance disparue de mes grandes filles! Ceci dit, je n’ai pas un cœur de pierre et quand elles prennent un an de plus, je les vois grandir et s’épanouir en beauté, mais aussi, s’éloigner toujours un peu plus et bien sûr que ça me rend triste, le temps de souffler les bougies… Après, on rallume les lumières et la vie continue.
 
La vie qui laisse de plus en plus ses traces sur mon visage et dans mon corps. Et ça me dérange, plus que je le pensais. Je n’ai jamais eu « peur » de vieillir, je ne me suis jamais souciée de ça en fait. Mais ça me rattrape, moi la peace qui ne se maquille pas et qui est ben chill avec son apparence. Je me souviens m’être demandée plus jeune pourquoi on faisait tout un plat avec le fait de prendre de l’âge. So what la ride du lion dans le front ou les plis comme des parenthèses qui encadrent la bouche?
 
J’étais sûre de m’en sacrer, comme de mes cheveux blancs ou des symptômes de préménopause, mais non! NON! Même si je suis plus en paix avec moi-même, plus assumée, je les vois les plis, je les sens les changements hormonaux, pis ça ne me rend pas particulièrement heureuse. Suis-je nostalgique de ma jeunesse alors? Non, mais de ma face lisse, de mon énergie, de mon élan, un peu quand même!
 
Difficile de vivre le passage du temps avec légèreté et insouciance. C’est vrai pour nos enfants, c’est vrai pour nous aussi. Mais comme on ne peut pas l’empêcher de toute façon, aussi bien essayer de l’accepter et d’apprécier ce qu’on a, plutôt que de s’ennuyer de ce qu’on a perdu. Je m’y efforce chaque jour, et vous?