Charles Aznavour disait qu’une chanson, c’est d’abord un joli texte. J’aimerais lui écrire des mots aussi éloquents que les siens. Mais je n’arrive pas à la cheville d’un destin si extraordinaire.

J’ai pleuré en apprenant sa mort, hier matin. La veille, j’avais chanté Emmenez-moi à mon enfant pour l’endormir. Je risquais de le réveiller avec ces paroles si rapides, mais j’avais envie de cette chanson sans savoir pourquoi. C’est peut-être ésotérique mon affaire,  mais c’est comme si j’avais souligné son départ sans le savoir. Un signe. Hier matin, j’ai agrémenté le déjeuner d’un album de ses grands succès. Aux premières notes, mon fils s’est mis à gigoter, le sourire aux lèvres. On a laissé tomber le yogourt pour danser ensemble sur Les comédiens. J’étais heureuse qu’une autre génération apprécie candidement cette musique.
 

Charles Aznavour interprète Emmenez-moi en 2004
Crédit : Marine1373/Youtube

Aznavour me parlait à moi, directement. Ses paroles m’ont fait rêver et réfléchir. Elles ont canalisé la beauté du monde et ma nostalgie naissante. J’étais deux générations trop tard, le chanteur regrettait déjà sa jeunesse quand j’ai vu le jour pour la première fois. Mais ses mots me transperçaient à tous coups.

Car il n’était pas qu’un homme de « succès faciles. » Charles Aznavour a écrit des textes puissants, engagés et en avance sur son temps. On n’a qu’à penser à Comme ils disent, où il personnifiait, sans tabou, un homosexuel. C’était en 1972… Même aujourd’hui, on ne voit pas si souvent un chanteur hétéro donner une voix si directe à un personnage LGBTQ+.
 

À l'époque, même les amis homosexuels d'Aznavour étaient estomaqués de le voir ainsi prendre la parole. 
Crédit : Ina chansons/Youtube

Charles Aznavour parlait aussi de la guerre, de ses origines arméniennes, de la pauvreté, de l’ambition déçue. Et, bien sûr, qu’il parlait d’amour!
 
En 2018, il se tenait encore au goût du jour. Il a chanté en duo avec « la relève » et était un grand fan de Grand Corps Malade. Il faisait toujours des tournées aux quatre coins du monde. Je suis tellement heureuse d’avoir vu sa tournée « 90 » au Centre Bell!
 

Tu es donc j'apprends, en duo avec Grand Corps Malade. 
Crédit : Pascal/Daily Motion

J’ai tellement d’anecdotes reliées aux chansons d’Aznavour. Me promener dans Montmarte à 20 ans, sentant dans chaque brique la présence d’un temps que je ne pouvais pas connaître.

Écouter Emmenez-moi en boucle pour apprendre chaque parole par cœur, juste parce que c’est tellement un chef-d’œuvre.

Il y a sept ans, je venais de rencontrer un garçon. J’ai fouillé dans sa musique, m’attendant à n’y trouver que quelques bands de rock génériques. Mais entre les chansons prévisibles, je suis tombée sur des perles, dont Hier encore. Ce moment a clairement contribué à me séduire. Aujourd’hui, le jeune homme en question est le père de mon enfant! Hier encore est restée une de nos chansons fétiches.
 
J’ai demandé aux autres TPL Moms de me parler de leur rapport aux chansons d’Aznavour.
Nous sommes plusieurs à avoir connu cette musique par nos parents, et à avoir bercé nos propres enfants sur les mêmes airs. Il y a même une camarade qui a calmé son anxiété en écoutant ses grands succès lorsqu’elle commençait à conduire. Je retiens notre impression de voyager à travers ses chansons. C’est vrai qu’avec de l’audio, il nous mettait tout plein d’images en tête. Nous avons l’impression de perdre le dernier grand de son époque.


Une image qui m'a toujours fascinée par sa simplicité. Charles Aznavour et son ami Johnny Hallyday, qui passe tranquillement la tondeuse, en 1962. Deux légendes qui nous ont quittés à quelques mois d'intervalle.
Crédit : Johnny Hallyday/Twitter

Une couche de nostalgie supplémentaire s’est posée sur les mots d’Aznavour cette nuit. Son complet bleu est remisé, laissons l’homme caresser le temps à l’infini. Et chantons. Chantons ses mots à nos enfants, laissons la beauté traverser les âges.
 


Crédit : Charles Aznavour/Facebook