Ma fille commence à se regarder avec un œil plus critique. L’adolescence qui se profile tranquillement ne vient pas arranger les choses.
 
Après les lamentations sur ses cheveux (pas assez blonds), son nez (un peu trop rond), ses dents (trop grosses et écartées), sa nouvelle source de frustration lui vient de sa petite taille. Elle a hérité de cette caractéristique génétique provenant de ma famille maternelle. Caractéristique qui fait en sorte que la croissance arrête bien avant d’atteindre une grandeur « moyenne ».
 
Elle est la plus petite de sa classe, et la plupart des autres filles la dépassent d’une bonne demi-tête, voire plus. Elle se fait parfois demander si elle n’est pas en quatrième année, alors qu’elle est si fière d’être parmi « les grand.e.s de l’école » pour reprendre ses mots. Elle se plaint que cela lui donne un air de bébé et de petite fille, alors que tout son être aspire à être grand, responsable, avoir l’air plus vieux.
 
Je comprends ce qu’elle ressent, étant moi-même passée par là. Du haut de mon mètre et demi, j’ai reçu toute sorte de remarques sur ma grandeur. Ça allait du très flatteur « C’est mignon » au plus taquin « C’est comme cela qu’on voit les choses à ta hauteur? ». Et malheureusement, j’ai aussi entendu des paroles mesquines et parfois gratuites. Et je ne parle pas seulement de mes expériences de cour d’école. Dernièrement, on m'en a rapporté une qui frisait l’irrespect, comme si cette particularité de mon physique était ridicule et honteuse.
 
Eh bien non, justement, je n’ai pas honte. Je dirais même que je suis fière de cette petite taille qui me caractérise. J’avoue que ça n’a pas toujours été ainsi, j’ai moi aussi eu de ces épisodes où je jalousais ces femmes élancées et gracieuses alors que je fais plutôt dans le petit et douillet (pour ne pas dire rondelet). Enceinte, je n’avais ces belles courbes que tant d’autres exhibent à leur photoshot de maternité. Je ressemblais davantage à une boule, comme si mon torse n’était pas assez long pour entreposer un si petit bébé. Imaginez si j’avais eu un enfant de taille « normale ».
 
Mais d’ailleurs, qu’est-ce que ça veut dire normal?
 
Ma grandeur a certes quelques inconvénients. Je ne peux pas utiliser les tablettes du haut de mes armoires sans l’assistance d’un petit banc. Le déneigement du toit de la voiture devient un vrai exercice d’étirements. Je priorise les chandails aux manches trois-quarts et j’achète mes pantalons dans les boutiques qui offrent des tailles Petite. Mais, malgré le fait que je sois plus petite que la moyenne des femmes adultes, je suis en parfaite santé, je suis débrouillarde et surtout, j’aime bien être ainsi. Parce que j’y vois beaucoup de charme et plusieurs avantages.
 
Je comprends ma fille lorsqu’elle se morfond. Actuellement, elle focalise seulement sur les inconvénients que lui procurent sa taille de « fille-de-9-ans-alors-qu’elle-en-a-11 », tout à l’opposé de l’image qu’elle aimerait projeter. Mais j'aimerais l'amener à voir les choses sous un autre angle. Ce soir, je vais lui demander de chercher le mot « normal » dans le dictionnaire.
 
Normal (adj) : qui est conforme à une moyenne considérée comme une norme, qui n’a rien d’exceptionnel.
 
Je ne cherche pas à renforcer son estime à coup de dénigrement d’autrui. Je veux juste qu’elle se sente spéciale, choyée, unique. Qu’elle se demande si le fait de se démarquer, de sortir un peu du lot, n’est pas en soi quelque chose de positif. Quelque chose qui la rend exceptionnelle.


Crédit : Giphy

  
Qu’on soit grande ou petite, ronde ou musclée, forte ou délicate, peu importe la couleur de notre peau, de nos cheveux, peu importe qu’on ait de l’audace ou qu’on soit plus discrète. Chacune de nos différences nous rend uniques, spéciales, belles à notre façon. Ne soyons pas « normales », soyons exceptionnelles! Et soyons fières de cette différence!
 
Un jour, ma fille sortira de cette période transitoire où elle aspire à être normale, comme tout le monde. Alors j'ose espérer qu'elle appréciera cette beauté qui lui vient de son côté unique.