La première fois, ça surprend. En tout cas moi, ça m’a surpris. Car je ne pensais jamais que ça m’arriverait. De penser que ma vie n’a plus de sens et qu’il vaudrait mieux en finir. Cette pensée m’a effleuré l’esprit. Et m’a fait peur, instantanément. Et ça m’a fait réaliser comment j’étais en souffrance. Que j’avais perdu mes repères. Dans mon cas, c’était à cause de l’infertilité. De toutes ces mauvaises nouvelles qui nous tombaient dessus. De l’ambiguïté de notre situation médicale, qui nous pourrissait la vie et qui nous empêchait de comprendre ce qui nous arrivait. Nous empêchait d’avancer dans notre projet d’avoir un enfant. À cause de cette douleur qui nous éloignait l’un de l’autre.
 
Comprenez-moi bien, aucun plan concret ne se formait dans ma tête. Juste la pensée qui m’a effleuré l’esprit a suffi pour allumer l’alarme, le voyant rouge. Alors je suis allée chercher de l’aide. J’ai vu une psy, qui m’a aidée à comprendre ce qui m’arrivait. À l’accepter. À en parler. À aller mieux.
 
Je ne pensais pas que ça m’arriverait, jamais. Je n’étais pas dépressive, personne ne l’est dans ma famille. Avant que cette situation ne me tombe dessus, aucune des épreuves que j’avais vécues ne m’avaient menée là.
 
C’est pourquoi, tout comme Marie-France Lanoue l’explique dans ce merveilleux article publié dans le Devoir, je pense qu’il faut lever le tabou autour de cette question. Parce qu’entre la pensée qui t’effleure l’esprit et le passage à l’acte, il y a tout un espace. Un espace où, si on ose parler de ce qui nous arrive à quelqu’un, si on trouve le courage d’aller chercher de l’aide, cette pensée ne restera qu’un signal d’alarme. Une occasion de prendre conscience de sa souffrance, sa perte de sens. Et les gens autour de nous pourront nous soutenir, et nous aider à retrouver le sens de notre vie.
 
À Dany Turcotte qui a rabroué Hubert Lenoir en lui disant « on ne dit pas ça des affaires de même », je réponds oui, on doit les dire ces affaires-là. Et on doit les accueillir. Pour aider nos proches. Pour leur offrir notre soutien et notre amour. Le plateau de télévision n’est peut-être pas le meilleur endroit pour le faire, à cause de l’effet d’entraînement potentiel, mais même si c’est là que ça arrive, il faut la recevoir, cette parole. Ce sentiment qui exprime la douleur profonde, plus que la réelle volonté d’en finir. Soyez ouverts, si cela se produit, qu’un proche se vide le cœur. Passez par-dessus votre surprise et votre inconfort, posez les questions qui s’imposent, offrez votre soutien. Renversons le tabou. Libérons cette parole. Ça peut arriver à n’importe qui. Je ne suis pas la seule mom qui l’a vécu. Mais nous sommes encore là, à dire que la vie est belle, malgré tout. Et que ce sentiment est légitime, et qu’il est possible qu’il ne soit que de passage.
 
N’hésitez pas à parler à un proche si vous avez des pensées suicidaires.
 
Vous pouvez toujours aussi appeler Suicide Action Montréal, au 1-866-277-3553.