Je m’ennuie de ma bédaine, de mon bedon rond, de mon ventre qui grouille de vie possible. Ça y est, c’est dit, écrit noir sur blanc, je me dois de me l’avouer. Je sais que c’est irrationnel, juste romantique, mais c’est la vérité.
 
Je sais que je ne veux plus d’autres bébés, ma famille avec ses deux enfants me comble et je suis sincèrement plus heureuse que je ne l’ai jamais été dans ma vie. Non seulement je ne veux pas risquer ça, mais ma famille est complète, je le sens, profondément. Nous serons quatre, pas cinq, pas six, pas plus.
 
Je ne veux pas accoucher de nouveau. Ni revenir aux nuits blanches, à vérifier en pleine nuit si mon bébé est encore vivant ou à l’allaitement ou les nuits se transforment doucement en jours. Je ne veux pas tenir un petit cou fragile, avoir de nouveau à deviner les besoins d’un poupon qui ne parle pas, recommencer l’alimentation graduelle, changer des couches éternellement. Je ne veux plus de ces moments du début, dans la nébuleuse des nuits sans repos, sur le pilote automatique, dans les journées qui s'épuisent. Je suis vieille aussi et surtout, je suis fatiguée.
 
Mais.
 
J’ai vu deux amies enceintes. Comme elles étaient belles, comme elles rayonnaient! Je sais, je sais, ce ne sont pas toutes les filles qui aiment porter la vie, mais j’ai eu des grossesses faciles et je ne m’y suis jamais plainte. Je n’ai pas été jalouse, juste heureuse pour elles et aussi un brin nostalgique. Je me remémore mes 2 x 9 mois, où ma peau et mon amour s’étiraient au-delà de ce que j’aurais pu imaginer. J’adorais avoir une bedaine, sentir la vie bouger à l’intérieur de moi, communiquer par la chaleur de ma main avec ce petit bout d’avenir. J’aimais les siestes comateuses qui me faisaient rêver à des lendemains qui chantent des comptines et des berceuses. Je cajolais les moments où je me regardais et ne reconnaissais pas cette force obstinée en moi.
 
Et depuis, ce sentiment ne me quitte pas. Celui plus grand que moi, qui m'a permis d’appréhender le monde avec l’appétit de deux personnes. Celui qui m’a fait sentir pleine d’un amour déjà infini, mais à entrevoir encore. Celui qui m’a fait sentir reliée aux autres êtres humains parce que j’en suis deux à la fois. Celui qui m’a fait sentir pleine d’espoir parce que la suite du monde, c’était ce petit être à qui je devais trouver un prénom digne de l’absolu qu’il ou elle représentait.

Je m'ennuie, d'à nouveau porter le poids d’une vie qui se manifeste. Je m'ennuie de refaire de mon ventre une demeure. Je m’ennuie d’être multitudes, espérances et rondeurs.
 
Mais la réalité vient de crier : « Maman, je peux jouer aux Pokémon sur ton téléphone? », alors la bédaine vide, je laisserai ces sentiments à d’autres tandis que je regarderai la chair de ma chair devenir trop vite plus grande que moi.