Comme je l’ai raconté dans mon dernier texte, mon mari et moi soulignerons le quatrième anniversaire de décès de notre fille le 12 février prochain. Chaque année, cette journée m’amène à faire le point sur mon deuil. Elle m’oblige à m’arrêter et à me centrer sur ce que je ressens.

Aujourd'hui, je constate que la tristesse, la colère et l’incompréhension sont moins intenses que lors des premiers mois. Par contre, elles sont toujours présentes et mon sentiment d’ennui, lui, s'amplife. Plus les années passent et plus le dernier moment passé avec ma fille semble s'éloigner de moi. 

Afin de mieux comprendre ce que je vis, j’ai discuté à quelques reprises avec des parents qui ont aussi perdu un enfant. Je constate que, même après 20 ans, leurs yeux se remplissent souvent de larmes lorsqu'ils évoquent leur enfant décédé. Comme eux, je porterai sans doute en moi la mort de ma fille toute ma vie, même si elle y occupe maintenant une place moins envahissante.

Quatre ans plus tard, je ressens toujours ce que j'appelle des creux de vagues. Il s'agit de ces moments durant lesquels la tristesse et l’ennui s’accentuent soudainement. Ils peuvent survenir lorsque je regarde des photos de ma fille, lorsque j'écoute une chanson qui me fait penser à elle ou aux anniversaires. Ils peuvent aussi survenir à mon insu et me prendre par surprise, dans une allée d'épicerie par exemple!

Il m’arrive également de ressentir une émotion qui est souvent taboue face à la mort d’un proche, surtout face à celle d’un enfant : le soulagement. Ou plutôt le sentiment que ma fille est enfin en paix. Comprenez-moi bien, jamais je n’ai voulu qu’elle parte. Par contre, tous les jours de son existence, j’ai souhaité qu’elle cesse de souffrir. J’aurais tout donné pour souffrir à sa place. Lorsqu’elle est décédée doucement dans son sommeil, j’ai compris que c’est ce qui se produisait. Ma fille ne souffrait plus, mais je connaissais les pires souffrances et j’allais les porter en moi pour le reste de ma vie.

Ma fille était polyhandicapée en raison d’un syndrome génétique rare. Ce syndrome était aussi associé à beaucoup d’irritabilité neurologique et probablement à une perception amplifiée de la douleur. Elle pleurait donc presque constamment. Nous ne saurons jamais à quel point et de quelle façon elle souffrait, mais ses pleurs quasi constantes nous laissaient croire qu’elle n’était pas bien. Malheureusement, toutes nos tentatives pour la soulager étaient vouées à l’échec. Ma seule «consolation» est donc qu’elle ne souffre plus. Cette consolation est toutefois bien maigre en comparaison avec la peine et l’ennuie qui persistent malgré le temps qui passe.

Avez-vous vécu un deuil? Comment il évolue avec les années?