J’ai été LE petit garçon allergique de mon école primaire. 

Et pas qu’un peu : j’étais l’un des pires cas que mon médecin avait vu en carrière. Dans les couloirs de mon école, il y avait ma photo un peu partout, accompagnée de la procédure à suivre, s’il devait m’arriver quelque chose. J’étais allergique aux noix, aux arachides, aux kiwis, au poisson, aux animaux, à la poussière et à la pelure de concombre, entre autres. Life was good. 

J’avais la face d’Éric Lapointe sur le corps d’un enfant de 5 ans. Mon visage était boursouflé par les crises d’eczéma causées par mes allergies. Au fond des classes, on m’entendait toujours en train de me gratter ou de m’étouffer dans mon asthme. J’ai dû apprendre à vivre en gérant mon anxiété très jeune.

(Me voilà, en train de calculer mon taux d'immunoglobulines sur une ardoise reçue à Noël.)

Un jour, un cousin a voulu prouvé à tout le monde que mes allergies étaient le fruit de mon imagination débordante. Il a tartiné du beurre d’arachide sur mon dos pendant que je dormais. Je me suis réveillé à l’hôpital en état de choc et le corps méconnaissable. Nope, mon cousin n’a jamais gagné à génie en herbe.

À l’école, j’ai vécu beaucoup d’isolement. On supposait à tort que je ne pouvais pas faire du sport ou qu’il était impossible de m’inviter à souper. Un jour, un élève plus vieux que j’admirais est venu me parler seul à seul pour me demander avec tout le tact dont il était capable : « Excuse-moi, mon vieux... Je me demande juste si tu es un grand brûlé? Ça n’a pas l’air facile ». Ce soir-là, je suis rentré chez moi en pleurant. Et ma mère aussi a pleuré, quand je lui ai dit que j’étais un monstre qui ne voulait pas vivre.

Par chance, je me suis fait des amis qui ont toujours été cool avec moi. Malheureusement, un jour, un de ces amis a mangé une barre de graines de sésame à l’autre bout de la classe. Je ne sais plus comment le contact s’est produit, mais je me suis ramassé en ambulance, destination Sainte-Justine. Quand je suis revenu de mon hospitalisation, j’ai appris que mes amis les plus proches avaient reçu une petite formation sur l’utilisation de l’Épipen. Mon ami, rongé par la culpabilité, était prêt à me piquer en tout temps, dans les jours qui ont suivi. À un moment, j’ai fait une crise d’asthme modérée et la professeure a dû le maîtriser, puisqu’il essayait de me sauter dessus avec mon épinéphrine. T’étais gentil, Julien! 
 

(Ici, en plus de rocker le plus beau chandail EVER, je montre à tout le monde que je mange bien ce que je veux).

C’est pour ça que ça me gosse, par exemple, quand on parle en mal des restrictions dans les lunchs des écoles. Faire un tour sur le site d’Allergie Québec donne une bonne idée du nombre de personnes touchées par cette maladie. 40 000 enfants québécois seraient concernés. La majorité du temps, on demande seulement d’éviter les noix, arachides et poissons. Ça me semble barbare et simpliste de dire que collectivement, nous sommes lésés de ne pas pouvoir mettre ce que l’on veut dans les lunchs de nos enfants. À mon sens, il s’agit de la plus primaire des empathies que de se soucier du bien-être des autres, même lorsqu’ils sont minoritaires.