La vérité, toute crue, c’est que je n’ai plus le ventre que j’avais il y a 12 ans. Il est plus rond, plus mou et constellé de fines lignes qui, bien qu’ayant blanchi avec les années, sont toujours là. Parfois, je le contemple intensément, nue devant le miroir. Je constate son vieillissement, sa différence, mais je n’en tire plus d’amertume.
 
Car mon ventre raconte une histoire.
 
Une belle histoire d’amour, de fierté, de sacrifices personnifiés par la magnifique jeune fille qui s’épanouit sous mon toit. Une histoire tendre à caresser ma peau tendue et gonflée, alors qu’il était le porteur du tendre message adressé à mon bébé caché en dessous. Sans lui, je n’aurais pas pu construire une humaine si formidable. Sans lui, je n’aurais pas pu trouver un autre sens à ma vie. Je n’aurais pas eu envie de faire un monde meilleur pour l’avenir de mon enfant, mais aussi pour celui de tous les autres enfants sur terre.
 
Mon ventre a une histoire de tristesse. Pour tous mes bébés qui ont eu moins de chance, car jamais ils n’ont vu la lumière du soleil. Ces enfants que j’ai nommés dans le secret de mon cœur et que jamais je n’ai oubliés ni arrêté d’aimer : Nicolas, Evelyne, Victor, mes petits anges. Pour tous ces mois où il est resté obstinément vide, malgré mes prières et mes espoirs. Comme je l’ai détesté de me refuser un si grand bonheur.
 
Mon ventre a une histoire d’émotion. La peur de mourir, le désir de vivre, ressentis lors d’un accident. La contraction semi-heureuse semi-douloureuse lors de fous rires incontrôlables. Les vagues d’angoisse lorsque je suis inquiète pour les miens. Le gonflement lorsque mon cœur, trop lourd d’amour ou de fierté, prend toute la place. Les chatouillements d’excitation à l’approche de quelques bonheurs.  
 
Mon ventre a une histoire de délice. Il est complice de la bonne nourriture, mais également du chocolat et de la poutine. Mon ventre qui me chatouille lorsque la faim me tiraille. Qui est pris parfois d’une envie fulgurante pour une nourriture particulière et qui ne cesse de me la rappeler tant que je ne lui ai pas donné.  Mon ventre qui a connu les joies de se savoir désirée et aimée, cette explosion qui m’a fait sentir amante, femme, superbe.
 
Mon ventre a une histoire de souffrance. Une histoire d’accouchement laborieux au terme duquel j’ai fait la plus surprenante rencontre de ma vie. De cycles irréguliers et douloureux. De saignements, de crampes et d’inquiétudes. Une histoire de pertes physiques et psychologiques qui laissent des traces dans tout mon être.
 
Mon ventre a une histoire de réconfort. Premier nid de mon enfant, premier oreiller où elle a dormi de longues heures durant. Il a été arrosé par les larmes de mon copain lorsqu’il a perdu, par deux fois, des êtres chers. Bien des années après ma grossesse, je pose parfois la main dessus pour me donner du courage, comme si je n'étais pas seule. 
 
Mon ventre et moi. Notre relation, souvent douce et parfois amère, s’harmonise bien finalement. Sans les cicatrices qu’il porte, je ne serai pas une femme, une mère. Pour rien au monde je n’échangerais tout ce qu’il m’a apporté pour retrouver son alter ego de mes 18 ans.
 
Mon ventre fait partie intégrante de qui je suis, de ce que j’ai vécu. Mon ventre est un symbole de ma féminité, de ma maternité, de ma beauté. Ni parfait ni laid, il est différent, évolutif. Unique. Il est moi, je suis lui.

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