Habituellement, quand la routine suit son cours, mon shift de soir suit ma job de jour et j’enfile mon suit de maman sans problème après ma journée au boulot.

La semaine dernière, comme tous les jours, je prévoyais aller chercher la petite à la garderie. Je devais ensuite passer chez le coiffeur question de refaire ma couleur, ensuite aller au resto parce que c’est le dernier jour de la semaine et que je boude mes chaudrons, rentrer coucher la petite et finir dans un bain plein de bulles pour m’y sentir légère, légère, légère.

Mais voilà, la journée ne s’est pas du tout déroulée comme prévu. La journée m’a envoyé 4 tonnes et quart de caca pas frais, pas juste du type désaccord entre collègues là, je parle de caca qui décrisse, d’événements qui déstabilisent et qui font monter les larmes aux yeux et qui refusent de se tarir.

À la fin de cette journée, je n’ai pas pu zipper mon suit de maman tout de suite en sortant du travail. C’est papa qui a été chercher la petite à la garderie. Moi, je suis partie seule au salon pleurer sur ma chaise avec la coiffeuse qui a pleuré elle aussi dans mon bol de teinture. Et quand la petite est venue me chercher, rentrant au galop entre les chaises et le chien de la coiffeuse, j’ai dû fouiller le fond de mes poches pour trouver des miettes de sourire.

Je n’ai pas su composer entre la marde de ma journée et ma job de maman de la soirée.

Je sais que je devrais laisser ce qui se passe au travail là où c’est arrivé, mais je n’y suis pas arrivée. J’ai serré ma fille très fort, et c’est elle qui, du haut de son innocence, m’a consolée. Ses boucles à la lavande, son p’tit cou chaud, son p’tit air au parfum de jeux et d’innocence n’ont pas réussi à me consoler complètement, mais c’était mieux que rien.

Même si j’ai vécu ma journée comme un échec, j’me suis dit qu’au moins je l’avais, elle. Que pour une fois, c’était elle qui me consolait, qu’on renversait les rôles, pour la première fois. Qu'elle était là pour moi comme pour toute les fois où j'avais pu être là pour elle et que ça lui venait naturellement, sans qu'elle sache que maman n'allait pas bien, sans que je ne lui demande.

Pour elle, c'était un câlin parmi tant d'autres. Pour moi, c'était le câlin qu'il me fallait.

J'ai passé la soirée la tête ailleurs, perdue dans mes pensées, mais je revenais souvent poser mes yeux sur elle quand j'avais besoin de savoir pourquoi je me battais, pourquoi je faisais ce que je faisais, pourquoi je devais continuer de faire ce que je faisais.

Elle me regardait, me montrait son livre, son casse-tête, sa figurine de Wonder Woman. Me faisait une grimace, un dessin, un découpage en forme de main, une danse des canards improvisée.

Elle m'a presque fait rire, presque fait esquisser des sourires.
Je l'ai couchée, comme prévu, avec juste un peu plus de cernes sous mon regard.
Je me suis fait couler un bain, y'avait pas de bulles, j'étais lourde, lourde, lourde.

Gérer sa tristesse alors qu'on gère sa joie d'être maman, c'est un drôle d'équilibre. C'est du soleil dans un orage. Du beau dans du pourri. Un îlot d'harmonie dans une mer de cacophonie. Ça passe, comme tout le reste.

Et on s'aperçoit que la joie d'être maman aide à disperser le laid un peu plus vite. Ça n'y enlève pas d'importance, mais ça nous empêche de lui en accorder plus qu'il n'en mérite.