D’aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours refoulé ma colère. J’ai revérifié avec mes parents si mon souvenir était bon et ils me confirment que j’étais une enfant vraiment tranquille. Je ne faisais pas de crise et j’avais un comportement exemplaire. J’ai été un as du contrôle de ma colère jusqu’à assez tard dans mon adolescence. En fait, la seule colère que je ressentais, c’était celle envers moi-même. C’est la seule que je m’autorisais à ressentir. Je la vivais en secret en me coupant sur les poignets et en me faisant vomir. Juste une colère contrôlée. Une fois, je m’étais tellement fait vomir que j’ai dû aller à l’hôpital. La médecin a su lire à travers mes mensonges que je n’allais pas et ça m’a aidée à presque arrêter mes épisodes de boulimie. 
 
 Au cours de mon enfance, dans une partie de ma famille élargie, la colère des hommes était normalisée, même si elle était souvent très violente. Mais, il faut pardonner, au moins 77 fois 7 fois selon la Bible.  Rien de moins. Bref, tu peux péter ta coche en masse sans aucune raison avant que notre christianisme puisse te juger. Surtout, il ne faut pas essayer de raisonner cette violence avec des arguments logiques parce que ça, c’est tellement arrogant de faire preuve d’intelligence. Péter une porte et frapper quelqu’un, ça va, mais, discuter intelligemment, ça, c’est péter plus haut que le trou…
 
En people pleaser que je suis, j’ai attiré tellement de relations où je me faisais insulter pour aucune raison. Mon endurance est ma plus grande qualité, mais c’est aussi mon plus grand défaut. Je tombe souvent, mais je me relève sans cesse. J’ai aussi la capacité d’endurer des choses que je ne devrais pas durant beaucoup trop longtemps. Après la naissance de mes enfants, j’ai réussi à couper presque toutes les relations malsaines de ma vie et ç’a été un succès pour moi, mais avec sa méga dose de culpabilité. 

De ces temps-ci, je ressens tellement de colère pour la situation des femmes d'ici et dans le monde et pour la méga charge mentale que mon chum ne semble pas voir malgré mes multiples tentatives de lui communiquer. Je manque de pratique dans la communication efficace de ma colère. Je la refoule trop encore, puis j’explose et ça sort croche, ça sort pas au bon moment. J’essaie quand je suis calme, c’est comme si on ne m’entend pas, comme si ma voix était en sourdine. Je me sens invisible. Petite, toute petite, comme quand j’étais enfant et que mon oncle me traitait d’osti de sauvage parce que j’aime mieux lire que de rire de ses blagues méchantes et plates. 
 
 Enfin, la colère se réveille en moi…  Elle a toujours été là, mais je la sens finalement. Petit à petit, je vais l’apprivoiser pour l’utiliser comme une force qui me pousse vers l’avant plutôt que de la laisser me bouffer.