Aujourd’hui, ma fille ressemble exactement à ce dont elle avait l'air hier. Elle est pareille comme elle était hier. Et hier, je pensais la même chose. Hier, ma fille était exactement pareille à avant-hier. Quand j’y réfléchis, à tous les jours depuis qu’elle est née, je regarde ma fille et je trouve qu’elle est la même que la veille. Forcément, j’ai eu un choc ce matin quand nous nous sommes débarrassés des suces. Avec ma logique, mon bébé est exactement la même qu’au jour de sa naissance et voilà que ce matin, c’est ma grande fille que j’ai embrassée, pas mon bébé.
 
Tout bonnement, je lui ai demandé entre deux bouchées de sa rôtie si nous pouvions donner ses suces. À son acquiescement, je lui ai demandé à qui nous pourrions les donner. « Aux lapins! » qu’elle m’a dit.
 
Elle a mis ses bottes toute seule (à l’envers) et son manteau. Papa l'a amenée dehors et elle a lancé ses suces de toutes ses forces dans la neige immaculée de notre cours. Avec un sourire gros comme le ciel. « Tiens lapins » qu’elle a crié. Je pense que mes yeux se sont un peu mouillés de larmes.
 
Et pourtant, je l’ai détestée, cette suce. Combien de temps ai-je passé accroupie et cachée à côté de sa couchette avec un doigt pour la tenir dans sa bouche le temps qu’elle s’endorme? Combien de fois je me suis levée la nuit pour aller la lui redonner avant qu’elle puisse le faire elle-même? J’ai bien trop peur de les compter. J’avais hâte d’être débarrassée de cette damnée suce et maintenant que nous y sommes, j’ai le cœur gros.
 
Je la revois dormir en boule avec sa suce. Je la revois malade, blottie dans nos bras avec cette si rassurante suce. Cette suce m’a aidée à consoler tous les bobos, toutes les peurs et les insécurités de mon bébé. Elle a été une salvatrice quand plus rien de fonctionnait pour l’apaiser. J’ai compté sur elle au point d’en avoir toujours une cachée à portée de main. Au cas où. Et aujourd’hui, moi aussi je dois dire au revoir à cette vieille connaissance.


Crédit : Marie-Pier G.

 
J’écris ces mots et j’espère de tout cœur que le premier dodo de ma grande fille pas de suce sera paisible. En fait, je n’en doute même pas. Trop souvent dans mon cas, mes craintes et appréhensions de maman se révèlent n’être que ça dans le fond, des appréhensions. Ma fille est prête depuis longtemps à cette transition, c’est moi qui ne l’étais pas. J’avais mille bonnes raisons pour retarder cette coupure, l’arrivée de son petit frère, un déménagement, un autre déménagement, un changement de garderie et j’en passe. Mais malgré tous ces bouleversements, mon bébé était prête à évoluer.
 
Ce matin, mon bébé a grandi et moi aussi. À 2 ans, 2 semaines et 1 jour, je suis prête à laisser mon bébé devenir une magnifique grande fille pas de suce.
 
Quelles petites étapes franchies vous rendent nostalgique?