Il y a quinze minutes, j’étais assise dans la salle d’attente au CLSC. Sans rendez-vous. Les joies des prises de sang de grossesse.

La dame à ma gauche accompagne son fils trisomique. Le jeune homme brise le silence toutes les dix secondes avec un bruit de bouche assez sonore. Personne ne dit rien parce que tout le monde est respectueux. Moi aussi, d’ailleurs. Je reste concentrée sur mon téléphone. 

Je ne suis pas embêtée. J’ai beaucoup d'admiration pour la dame. Elle demande à son fils s’il est prêt pour ses prises de sang. Elle lui dit que tout va bien se passer. Petit clown, il lui donne une réponse positive très expressive.

Je lève les yeux de mon jeu « 2048 » et je lui souris. Ce beau moment mère-fils m’attendrie. C’est là que ça me frappe de plein fouet :

« Je suis ici pour le dépistage de la trisomie 21. »

J’ai honte. J’ai l’impression de manquer de respect à cette dame et à son fils. Une chance que mon nom est appelé et que je sors cinq minutes plus tard. Je ne suis même pas capable d’attendre que la portière de mon auto se soit refermée avant d’éclater en sanglots.

J’essaie de voir entre mes larmes pour me rendre à la maison saine et sauve. Je me sens comme si j’avais craché au visage de cette dame et de son fils.

J’ai encore de la difficulté à mettre le doigt sur l’émotion et la raison (je réitère que ça fait quinze minutes). Peut-être parce que mon idée n’est pas faite non plus. Qu’est-ce qu’on fait si on nous annonce que le garçon que je porte a 99% de chances (risques?) d’être trisomique?

Du haut de mes dix-huit ans, j’avais confié à mon chum que je ne serais jamais capable de prendre soin d’un enfant présentant un tel défi. C’était avant d’avoir connu l’amour inconditionnel que j’éprouve pour mon fils. Et avant d’avoir fait la connaissance de mon deuxième garçon à naître via l’échographie.

Toutes les voies qui s'offriraient à moi
Crédit : Pixabay

Une amie très sage (Allô Andrée-Anne!) m’a dit, lors de ma première grossesse : « C’est bien beau ce test, mais avant de le passer, assure-toi d’être en mesure de négocier avec le résultat. »

J’ignore qu’elle serait ma réaction face à un résultat positif. Je ne pourrais en être certaine qu’en le vivant. Je serais surprise que mon conjoint et moi décidions de mettre fin à ma grossesse.

Alors pourquoi passer le test? Parce que je sais que je suis fragile. Parce que je n’aime pas les surprises. Parce que j’aime mieux être prévenue d’avance.

Parce que le jour de sa naissance, je veux pouvoir regarder mon fils droit dans les yeux et lui murmurer: « Bonjour mon amour, papa et maman savent que tu es différent et nous avons fait le pari que nous serons pour toi les meilleurs parents possible. » 

Avez-vous déjà eu une telle prise de conscience?