22 h 57           
Mon fils vient de vomir pour la centième quinzième fois en quelques heures. Il tape 40 degrés au thermomètre. Paniquée, j’appelle Info Santé. L’infirmière m’écoute patiemment et saisit la détresse dans ma voix. Elle finit par me dire ce que je ne veux pas entendre : « Madame, vous n’avez pas le choix, vous devez aller à l’hôpital.»

Je fais un sac en trois minutes. Je saute dans un taxi. La ville est calme. Je serre mon petit homme brûlant et amorphe contre mon cœur lourd. Mon regard inquiet se perd en suivant les lumières du tunnel Ville-Marie. J’ai hâte d’arriver.

23 h 30
L’infirmière au triage est calme et compétente. Elle déshabille mon petit, prend sa pression et sa température. Elle lui donne de l’acétaminophène et me remet une cargaison de Pedialyte, avant de nous envoyer vers la zone verte. D’autres familles sont là. Comme nous, elles se préparent à passer la nuit sous les néons criards. L’urgence est bloquée qu’on nous dit, ce sera long.
 

Crédit : Laura Lee Moreau/Unsplash
 

3 h 45
J’entends finalement le nom de mon fils à l’interphone. Nous nous dirigeons vers la salle 5. Un résident nous reçoit. Jeune, beau gosse. Étrangement en forme à cette heure de la nuit. Il regarde dans les oreilles, pose quelques questions, écoute vaguement les réponses. Enfin, le diagnostic tombe.
 

« C’est votre premier enfant, n’est-ce pas? »

 
Crédit : Giphy

Je souffre d’un mal apparemment fréquent. Appelons-le le SPE, le Syndrome du Premier Enfant. Cette propension qu’ont les nouveaux parents à se garrocher aux urgences au moindre symptôme suspect chez leur précieux poupon. Pour ma part, c’était la troisième fois en 13 mois de vie que j’allais à l’urgence. Chaque fois, on a souligné mon statut de nouvelle maman avant de m’informer de l’état de santé de mon enfant.

Je ne vois pas où j’ai pu attraper ça, à part quelque part sur Internet. Probablement en cliquant sur « images » après avoir écrit bébé, rougeurs et fièvre dans la barre de recherche. Pourtant, je suis loin d’être du genre hypocondriaque. Avant d’être mère, je n’avais pour ainsi dire aucun contact avec le monde médical.  Même foudroyée par la mythique grippe H1N1, je suis restée sagement chez moi. 

Mais quand mon petit est malade, je perds le Nord. Je ne sais plus comment le soigner. Des milliers de scénarios catastrophes s’abattent sur mon jugement. Et si c’était grave? Mon cœur de mère est trop poreux. J’ai trop lu, trop compatit avec ce genre de situation, pour être désinvolte.

6 h 00
En fait, mon fils souffrait d'une légère déshydratation due à une mauvaise gastro combinée à la chaleur. Pas grand-chose, comme ils disent. Je comprends le résident d’avoir préféré régler mon cas en premier.  Combien sommes-nous, chaque semaine, à recevoir de sa part le même diagnostic : celui d'une grande frayeur pour un petit mal d’enfant?

 
Heureusement, il paraît que ça se soigne… à force de faire des bébés.

Souffrez-vous du SPE ? Est-ce une maladie chronique?