Quelques heures après l'accouchement, mon conjoint dormait dans le lit d'appoint et bébé s'était assoupie dans son berceau d'hôpital.

Mon regard passait de l'un à l'autre. J'étais sur un high d'hormones, incapable de fermer les yeux. Et subitement, ça m'a happée. Je ne la connaissais pas, cette petite. Qui était-elle? Et comment allait-elle s'installer dans notre dynamique de couple?
 
Je n'y avais pas réfléchi avant. Les premiers mois de grossesse s'étaient vécus dans le bonheur de ce nouveau projet familial et le dernier trimestre dans l'inquiétude constante. Je n'avais pas eu le temps de penser concrètement aux impacts de l'arrivée de ce bébé dans notre vie.

Elle était là. J'écoutais sa respiration.
Et tout à coup, j'avais peur.
Tout allait changer.

Je ne comprenais pas pourquoi je réalisais cela maintenant. Je venais à peine d'accoucher. Pourquoi n'étais-je pas heureuse? Je me trouvais naïve d'avoir pensé que notre « nous » demeurerait le même. 
 
Cette inconnue emmaillotée à mes côtés, c'était mon bébé. Et pourtant, je ne ressentais aucun lien d'attachement. Où était la poudre de fée qui doit rendre toutes les mères amoureuses de leur nouveau-né?
 
Une infirmière est entrée dans la chambre d'hôpital. Bébé étant prématurée de quelques jours, elle nous annonçait qu'elle devait tester son taux de glycémie plus régulièrement.
 
Le cycle des prises de sang aux trois heures sur ses petits talons a commencé. Bébé souffrait d'hypoglycémie. Mon corps, encore surpris du déclenchement rapide, n'avait pas compris que j'avais accouché. Ma montée laiteuse se faisait attendre.

Malgré le peau à peau avec bébé en alternance avec mon copain et les massages intensifs pour m'extraire quelques gouttes de colostrum, ses taux chutaient. Elle hurlait de plus en plus, s'épuisait et sa glycémie plongeait davantage. 

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Les conseils et recommandations se succédaient trop rapidement. Mon cerveau essayait tant bien que mal de tout comprendre et de s'adapter à la réalité post-accouchement.
 
Au deuxième jour, les infirmières nous ont indiqué qu'il serait préférable de lui offrir une préparation commerciale pour nourrisson. Je souhaitais ardemment l'allaiter, mais les hormones tant attendues continuaient de me bouder. Je suppliais les médecins de nous laisser encore un peu de temps, que ses taux se stabiliseraient bientôt.
 
Je me souviendrai toujours de la troisième nuit sans sommeil. Nous étions épuisés. Quand l'infirmière est venue une fois de plus pour faire le test, elle a regardé les deux talons de ma petite qui poussait des cris et a ajouté : « Il n'y a plus de place pour piquer ».

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À cet instant précis, un feu a jailli en moi et j'ai hurlé : « Laissez-la tranquille! ». Je l'ai prise dans mes bras pour la consoler et je pleurais moi aussi. Je réalisais que j'étais sa maman, elle était ma fille. Dans la plus incongrue des circonstances, j'ai compris que mon rôle était de l'aider et de la protéger. Elle avait besoin de moi.

Nous lui avons donné de la préparation. Cela a stabilisé son état. Malgré une petite jaunisse, la pédiatre a accepté de nous donner notre congé mérité. À la maison, à l'abri du stress, mon corps s'est enfin rappelé ses fonctions primaires. J'ai pu allaiter ma fille sans problème. 
 
Plusieurs autres défis nous attendaient dans les mois qui ont suivi, mais j'ai véritablement accepté mon nouveau rôle de mère à partir de cette troisième journée. Nous pouvions maintenant apprendre à nous connaître et développer notre relation, son papa, elle et moi.
 

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