J’ai pleuré. J’ai eu des nœuds dans l’estomac. J’ai cessé de dormir. J’ai eu de la tristesse immense pour quelque chose de si petit. J’ai changé Laure de garderie.

Sous les avis judicieux de mes collègues, j’ai saisi l’occasion. Une place se libérait au CPE du quartier, à trois minutes du travail, dans une garderie animée par une philosophie éducative alléchante. J’ai fermé les yeux et j’ai accepté, sans attendre. J’ai dit oui.

Clac! J’ai tranché les bras aimants de l’éducatrice pour confier à une étrangère ma fille de 2 ans. Bang! Je lui ai arraché le cœur, à cette deuxième-maman (presque) qui a connu mon bébé à l’époque où elle était si minuscule. Je me souviens encore du moment où j'ai frappé à la porte de la garderie en milieu familial, Laure nouée contre moi. J'étais une cigogne tombée du ciel. Je lui ai offert ma fille en lui disant  : « Voici mon bébé miracle, pouvez-vous en prendre soin? ». Elle a dit oui. 

Laure, mon bébé in vitro, l'été dernier.
Crédit : Anne Genest

 

J’ai pris une décision de conne. J’en avais marre des horaires complexes de ce service de garde à trois portes de chez moi. Il me fallait travailler. Je ne voulais plus courir matin et soir. Je n’en pouvais plus des soupirs de mon patron. Et du fait que j’étais toujours la dernière à cueillir mon bébé. Toujours Laure derrière la porte qui m’attend. Ce n’est pas une vie que d’être essoufflée. La maternité est suffisamment éreintante. Nul besoin d’en ajouter avec un job et une garderie qui ne concordent pas.

Cultivatrice d'amour
Le plus brutal, ce que je n’avais pas mesuré, en signant le papier, en prenant tranquillement ma décision assise dans mon bureau, au travail, c’est que les marques de stylos peuvent érafler le cœur. La douleur n’est pas une clause de contrat. Une éducatrice est une éleveuse d’âme et une cultivatrice d’amour. Parce que son terreau est le sol où sont plantés de petits humains qui deviendront grands. 

Ce soir, Laure s’est endormie contre la couverture qu’elle apporte à la garderie. Avant de s'assoupir, elle a dit avec l’accent de l’éducatrice que « le doudou venait de Nadia ». Et j’ai pensé que cette langue n’était pas tout à fait la mienne. C’est une langue maternelle partagée entre ma parlure et celle de Nadia, l’éducatrice. J’ai pensé que par ma faute, je venais de couper ce parler maternel. Et que j'avais brisé une amie, une maman qui en s’occupant de ma fille s’occupait de moi.

Aujourd’hui, je regrette. 

Mieux que tous les programmes éducatifs, l’amour d’une femme pour un bébé vaut tous les services de garde. 

Avez-vous déjà changé votre enfant de garderie. Comment cela vous a-t-il affecté(e) ?