Comme tout jeune parent qui se respecte, j’ai, moi aussi, le fameux livre de bébé, rempli à moitié des prouesses et évolutions de mon cher garçon. J’ai parfois des fits et je décide d’en remplir d’autres pages, notamment celles où il faut coller des photos souvenirs de ces activités en famille dignes des annonces de margarine. Me vl’a ti pas à la tâche et ouvre l’ordinateur pour farfouiller dans nos souvenirs du Zoo de Granby lorsque, CHOC, je remarque quelque chose d’étrange : je n’apparais sur presque aucune des photos, parce que, évidemment, dans notre famille, je suis le preneur de photos.
 
Il n’y a pas d’autre façon de le dire. Je suis comme la plupart de mes consœurs mamans. Vous trouverez les chroniques de toute une vie sur mon téléphone et mon appareil photo, quelques selfies, une course effrénée pour tenter d’attraper le temps qui passe, les sourires, les clins d’œil, les crèmes glacées, limonades sucrées, les plongeons de piscine, les gâteaux de bonne fête et les silhouettes d’un papa et de fiston au coucher du soleil.

Honnêtement, je ne sais pas comment j’en suis arrivé là. Je sens une certaine pression de capturer les moments importants de nos vies à présent que j’ai un p’tit bout de bonhomme dans ma maison. Parfois après une activité candide de glissade sur la neige, je suis horrifié parce que je n’ai pas pris de photos du p’tit qui glisse bouche ouverte et morve au nez dans la neige folle. Mon tendre conjoint me dit alors de me calmer, de faire comme lui, de profiter des moments, de vivre le moment présent.
 
Alors j’ai farfouillé dans mes propres albums photo, ceux de mon enfance. Moi et ma grosse touffe de cheveux devant le four. Moi et ma sœur qui danse dans le salon. Moi, ma sœur et mon père qui rions dans un manège. Moi, ma sœur et mon père dans le bain. Moi, ma sœur et mon père qui peinture une cabane. Des moments de surprises, imprévus, pris sur le fait, sans artifice, sans préparation. Mais rarement de maman…

Je voulais que mon p’tit aussi puisse fouiller dans ses vieux albums photo (ou sur son méga écran tactile réalité virtuelle du futur, j’sais pas trop) pour y trouver des photos de lui et son Papa qui s’amusent dans les jeux au parc, rigoler en voyant à quel point le linge de Papa est maintenant démodé, à quel point il a l’air jeune et qu’il a donc ben beaucoup de cheveux. Mais il ne trouvera pas grand-chose de son Dada, tout comme je n’ai pas trouvé beaucoup de photos de ma maman.

De moi, mon enfant aura quelques selfies avec mon mou de bras qui pendouille en gros dans le coin droit de la photo. Je suis le preneur de photos, le teneur de sacs et celui qui fait des bye bye dans les parcs d’attractions. Je suis celui qui surveille, qui enregistre, qui analyse les souvenirs. Je suis le bienveillant, un peu dans l’ombre. Je suis comme beaucoup de mamans, en fin de compte.

Alors, devrais-je imposer à mon cher chum de prendre plus de photos de moi et mon bambin? Devrais-je réapprendre à profiter des moments sans m’inquiéter de les capturer?