L’été dernier, ça a vraiment été une saison affreuse. Outre le fait de ma tristesse estivale, j’ai eu droit à un malade qui se masturbait dans ma ruelle, en regardant mon balcon. Déjà une fois c’est éprouvant, mais là, c’est arrivé à plusieurs reprises et la police s’en est mêlée. Je passe les détails mais ceci étant dit, j’étais devenue un peu nerveuse. Étant une maman monoparentale, la sécurité de ma fille dépend entièrement de moi et c’est dans des moments comme celui-là que je l’ai férocement ressenti. La petite allant et venant durant l’été entre la maison de son père et la mienne, j’ai oublié la pertinence de ranger le bâton de baseball que je laissais à portée de main. J’ai donc eu droit à un :
«- Maman, pourquoi y a un bâton de baseball dans la cuisine?»
Sa grand-mère joue à la balle-molle, c’était donc facile de répondre qu’elle l’avait juste oublié en revenant d’une partie. Elle est sortie et je me suis longuement questionnée. Certes, je ne dirais pas à ma fille que je gardais une arme à proximité parce qu’un fou se masturbait dans la ruelle, ni parce que j’avais peur pour nous, mais je devais peut-être lui parler.

À sept ans et avec les évènements récents, la discussion s’imposait. Je n’avais cependant aucune idée de comment aborder le sujet; elle n’avait pas eu à expérimenter la chose elle-même et n’avait donc aucune image concrète de ce dont j’allais lui parler.
Nous avions déjà évoqué le fait qu’il ne faut pas suivre un étranger malgré toutes les promesses qu’il pourrait lui faire, la prudence en général et j’avais trouvé cette discussion particulièrement amère.
Préparer son enfant à un danger potentiel qui proviendrait d’un autre humain, ça choque un peu. Je ne voulais pas la rendre paranoïaque, mais c’était une possibilité dans la multitude des possibles.
Au souper ce soir-là, je lui ai demandé ce qu’elle ferait si quelqu’un d’inconnu venait lui parler pendant qu’elle jouait dans la ruelle avec ses amis. Elle m’a répondu quelque chose de très mécanique, du genre «je reste loin, je vais chercher un parent, je ne pars pas avec lui», sans même lever les yeux de son repas. Aucune émotion dans sa voix de fillette, aucune méfiance.
Une certaine partie de son innocence était encore intacte et soudainement, je n’ai plus vu la pertinence de pousser la question. Pourquoi lui faire peur à propos de quelque chose dont elle ignore jusqu’à l’essence, pour une possibilité qui n’arriverait sans doute jamais? J’étais déchirée entre mon désir de lui apprendre la prudence et la pensée qu’elle verrait le danger si jamais il se présentait à elle, sans nécessité de lui décrire.
Notre souper s’est terminé et j’ai finalement remis la discussion à plus tard. Je ne sais pas encore à ce jour si j’ai bien fait ou pas et le fou de la ruelle n’est plus revenu, mais je redoute souvent l’instant où Ange sera confrontée elle aussi aux côtés plus sombres du monde.

Comment avez-vous parlé des règles de sécurité à vos enfants?
Avez-vous déjà eu besoin de leur expliquer certaines réalités délicates du genre?