(À lire : premièredeuxièmetroisièmequatrième et cinquième partie)

Ma mère a profité de l'absence de Joe (la vedette d'impro amateur était en tournoi à Québec) pour me rendre visite.

Ma mère, c't'une p'tite smatte. Elle ne venait pas pour me donner des cupcakes pis m'faire des câlins. Elle venait chez moi pour drop une bombe : une copie du jugement rendu dans une cause entre Joe et son ex. Il a été accusé, entre autres, de voies de fait et était en probation pour encore une semaine. Une des conditions à respecter : garder la paix, a.k.a. ne pas être violent.

Holy shit.

25 novembre 2003. Mon enfant était parti depuis trois semaines. À ce jour, je ne suis pas capable d'en parler. Ça a été douloureux, mentalement et physiquement. Criss que ça a fait mal.

Après mon quart de travail (où je ne travaillais pas après 20 h, ni la fin de semaine, bien sûr!) j'ai décidé d'être wild et d'arrêter prendre un verre avec ma meilleure amie au bar où elle travaillait. Une p'tite place tranquille, rien de clubby. Finalement, on a parlé jusqu'à la fermeture. J'ai bu trois verres (c'est important de mentionner que je n'étais pas saoule). Elle m'a donné un lift et quand est venu le temps pour moi de descendre de la voiture, elle a eu un mauvais feeling. Elle a tenté de me convaincre de dormir chez elle. J'ai refusé, car je craignais que Joe s'emporte. De toute manière, s'il essayait de me frapper, j'allais lui dire que j'étais au courant de sa probation. J'étais all good, yo.

J'ai tenté d'ouvrir la porte. Barrée. Il faisait souvent ça lorsque je rentrais du travail à :35 au lieu de :30.  J'me suis pas énervée. J'ai frappé à la porte pendant une dizaine de minutes. Il est apparu dans la fenêtre, nu (WTF?) et enragé. Il n'allait pas me laisser entrer.

Dans mon coin, les novembres sont froids. Malgré mon titre de victime de violence conjugale, je restais Marie-Ève Saucier. Une gentille qui peut aussi frapper. Frapper fort. Comme une Tannante, j'ai défoncé la porte. Je l'avoue : j'ai pris une seconde pour me trouver cool d'avoir défoncé la porte d'un coup de pied, comme din vues.

Il a surgi dans le cadre de porte et m'a frappée au visage. Woah.

« Ah ouais, mange marde? J'suis au courant pour ton ex pis ta probation! J'm'en vais au poste, SEE YA! »

J'ai descendu les escaliers en courant. Je n'ai pas arrêté de courir. Je l'entendais hurler alors que je m'éloignais.

« Marie! Marie! »

J'avais une longueur d'avance : il n'allait pas me poursuivre nu dans la neige. Cette p'tite neige neuve qui trahissait mon parcours.

Il lui a fallu moins de cinq minutes pour me rattraper. Il avait suivi mes pas. Les siens s'y étaient joints, ralentissant ma course pour une marche rapide en tandem.

« Marie, j't'en supplie, pense à mes filles, j't'en supplie, Marie, arrête, arrête, ARRÊTE. »

J'étais d'un calme... j'avais fini, je n'étais plus là. Je marchais, déterminée, le contournant, comme si car il n'était rien.

Il a saisi mon bras. J'ai perdu la tête. Je hurlais. Il a paniqué. Il me frappait au visage, sans relâche. Je hurlais de toutes mes forces, je lui ai mordu la main. Mais je n'entendais rien. Je ne sentais rien. Je suis tombée au sol, comme pour mieux voir mon sang embrasser la neige.

Une voiture est passée, a ralenti, mais ne s'est pas arrêtée. Puis, un homme est sorti de sa maison pour nous demander ce qui se passait. Joe a enfoncé mon visage dans la neige et a dit « Elle est venue voler chez-nous! »

J'étais davantage surprise par sa vitesse d'esprit que par son attaque.

L'homme est rentré. Je me suis fait frapper pendant une bonne minute avant l'arrivée des policiers.
J'ai retrouvé mon calme inexplicable dès leur arrivée. Ils l'ont menotté. Alors qu'il reprenait ses
« Marie, pense à mes filles! », l'agent m'a demandé si je voulais porter plainte. J'ai regardé Joe, qui attendait ma réponse. Puis, froidement, j'ai répondu oui.

« Astie d'coliss! ». C'est la dernière chose qu'il m'a dite.

Je n'étais plus la blonde de Joe Tannant. Après la déposition au poste, l'examen médical et les glamour shots, je suis rentrée me coucher. Prête à reprendre ma vie. Probablement.