J’en ai déjà parlé ici et ici, le diabète de grossesse a considérablement changé mon rapport à mon corps et à la nourriture. Ça s’est fait de façon plus insidieuse, mais il a aussi changé mon rapport au temps. Le temps passait trop vite ou trop lentement, au gré de mes inquiétudes.
J’ai su que je faisais du diabète à 13 semaines de grossesse. À partir de là, déjà, le temps n’était plus le même. On m’a tout de suite dit que je ne dépasserais pas 40 semaines, qu’on me provoquerait peut-être même avant. J’en avais donc pour 27 semaines à tout compter, tout peser, tout réfléchir.

Je ne soupçonnais pas non plus à ce moment toutes les heures que j’allais perdre passer à attendre en GARE (grossesse à risques élevés). La première fois a été de loin la pire. J’ai attendu environ quatre heures, entourée de femmes enceintes à bout. Le médecin s’est excusé pour l’horrible attente et m’a expliqué que l’heure d’arrivée n’indique en rien l’heure à laquelle on va être vu. Qu’ils remplissent l’horaire et appellent toutes les patientes pour la même heure ou presque, parfois même à des moments où il n’y a aucun médecin. Que c’est partout pareil, que les cliniques GARE débordent. La perspective de passer quatre ou cinq heures à attendre à l’hôpital chaque semaine pendant six mois me donnait envie de m’enfuir dans une autre ville et de repartir mon suivi de grossesse à zéro, en cachette. Heureusement, cette première attente a été la plus longue. Mon record de rapidité? 45 minutes. Pas si mal.

Mon sentiment en sortant de mon premier rendez-vous
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Je n’imaginais pas non plus à quel point ma montre allait prendre de l’importance. Les repas à heures fixes. Les glycémies à prendre un nombre de minutes exact après la première bouchée du repas. Les repas fractionnés avec un fruit à manger après un certain nombre de minutes. Le nombre de minutes que je devais marcher pour éviter que ma glycémie grimpe trop.

Le déroulement de la grossesse était aussi plus préoccupant pour moi, en raison de tous les risques qu’on m’avait énumérés. Je comptais les semaines jusqu’à l’échographie de vingt semaines, qui allait permettre de voir si le bébé était bien formé malgré le diabète précoce.

Rendue à 31 semaines, je voyais que tout allait bien. Je me permettais un petit écart hebdomadaire et je ne parle pas ici d’une orgie de bouffe, mais d’un seul repas sans trop compter ou avec un aliment interdit.

Au prochain rendez-vous en GARE, quand le médecin m’a dit qu’on allait commencer l’insuline parce que j’avais trop d’écarts et que je ne semblais pas capable de respecter la diète, j’ai pleuré de découragement et de frustration, puis je me suis obstinée. J’ai refusé d’en prendre à neuf semaines de l’accouchement, après tant d’efforts. J’ai réclamé le droit à une dernière chance et demandé qu’on attende les résultats de mon échographie de la semaine suivante. Pas que l'insuline est une mauvaise chose en soi, mais j'ai horreur des aiguilles et je ne voulais pas m'y résoudre avant d'être vraiment allée au bout de tout ce que je pouvais faire pour les éviter. 

Prendre de l'insuline après dix-neuf semaines d'effort, juste avant mon échographie? 
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Surprise, après l’échographie de 32 semaines qui a montré que le poids du bébé était normal, voire bas, on m’a regardée d’un tout autre œil. On m’a même dit à trente-quatre semaines que je n’avais plus besoin de suivi particulier, que je n’avais plus besoin de venir à l’hôpital. Noël arrivait, et on m’a dit de manger ce que je voulais. Qu’un repas sans compter n’allait pas mettre mon bébé en danger. Je me suis quand même retenue, au cas.

Et j’ai compté les dodos avant ma date prévue d’accouchement qui allait non seulement me faire tomber en amour comme jamais auparavant, mais qui allait me permettre de flusher ma montre et mon calendrier et de me coller sur ma tite boule d’amour toute neuve sans trop me soucier du temps qui passe.