J’ai des maudites bonnes raisons de vouloir cette place assise. Dans le bus, dans le métro, dans la salle d’attente du garagiste ou sur le banc du centre d’achats.

Le fait que je sois en train de créer un être humain à partir de rien sur une chaîne de montage cachée au fond de mon bedon, parce qu’on va se l’avouer, c’est déjà pas mal awesome comme super pouvoir, ça mérite au moins un contact semi-prolongé entre mes cuisses et la cuirette cheap de ce fauteuil au confort douteux.

Toute la grâce de mes 39 semaines de grossesse
Crédit : Giphy

Si mon complexe de déesse n’est pas suffisant, je peux aussi invoquer mes jambes enflées comme des colonnes de temple grec, mes pieds qui ont décidé qu’être contenus dans des chaussures, c’était plutôt facultatif.

Mal de dos, mal de ventre, mal de tête. Sciatique, brûlements d’estomac, déséquilibre. Le poids de mon placenta qui me tire vers le centre de la Terre, la complainte douloureuse de mes ligaments qui strappent mon bassin comme une laisse trop courte sur un chien enragé.
M’asseoir. Mon royaume pour une chaise.

Winter is coming et mon bébé is coming aussi.
Crédit : Giphy

Eh ben non. Je ne sais pas vous, mais moi je me suis rarement fait offrir un siège pendant ma grossesse. C’est peut-être parce que je n’ai jamais vraiment eu l’air enceinte. Ou alors, c’est peut-être parce que je camouflais ma fertilité sous un manteau trop fluffy. Reste qu’il y a ces cas d’aveuglement volontaire que je ne peux tout simplement pas excuser. Les gens autour de moi avaient décidé que cette femme enceinte qui reluquait leur siège de la Ligne Azur ne l’aurait tout simplement pas. Il feignait d’être absorbé par Balzac ou par le 7 jours de la semaine passée.

Mon corps n'ira pas vraiment plus « enceinte » que ça, désolée.
Crédit : Julie Marchiori

Je ne suis plus enceinte. Je ne le serai jamais plus. Mais je trouve ce manque de considération complètement inacceptable. Ça, c’est ma version polie pour dire « ça me met en beau tabarnak ».

Le week-end dernier, au Carrefour Laval, une pauvre fille enceinte jusqu’aux yeux jouait à la chaise musicale près de deux fauteuils recouverts de quatre jeunes hommes de 19 ou 20 ans. Elle attendait que son chum (ou son mari, je ne sais pas) sorte d’une cabine d’essayage. La douleur, la fatigue et l’exaspération se lisaient sur son visage, ses pieds enflés dépassaient de ses gougounes, mais elle n’osait pas s’imposer. C’était trop. J’ai ouvert ma trappe.

Enceinte, ça m’embarrassait, j’avais l’impression de quêter une place et de faire pitié. Mais la retenue a foutu le camp à l’accouchement et elle n’est jamais revenue.
 
Donc, à ceux qui sont dans la vase le matin, pris dans la toile d’araignée d’un sommeil à peine dissipé, soyez vigilants, surtout si votre siège est prioritaire. À ceux qui aiment leur confort, sachez le partager.

À ceux qui sont debout et qui sont témoins d’une future maman qui a l’air de vouloir s’asseoir, faites entendre votre voix. 
 

Crédit : Tom Driggers/Flickr

En Angleterre, on distribue des pins aux femmes enceintes pour éliminer toute ambiguïté lorsqu’elles empruntent les transports en commun. Je rêve d’un équivalent disponible ici.

D'ici là, tassez-vous.  Après tout, ce petit humain en formation payera un jour grâce à ces impôts mes patates de CHSLD, aussi bien lui dire merci dès aujourd’hui.

Vous avez une anecdote de siège à raconter?