Avant la naissance de mon fils, j’avais pris soin de planifier son arrivée. J’avais préparé des mets que j’avais congelés. J’avais lu abondamment sur le sujet afin de recueillir le plus de petits trucs possible. Ainsi, avec papa à la maison, nous réussissions à gérer l’arrivée de notre fils tout en maintenant notre rythme de vie. Lorsqu’il est retourné au travail, j’avais la prétention, et l’ambition, de croire que j’y arriverais seule.

Les premiers jours se sont relativement bien passés et l’équilibre était maintenu. Plusieurs jours plus tard, par contre, je n’y arrivais plus. J’avais la volonté d’un athlète olympique, mais la capacité manquait. Au début de la maternité, il nous faut ajuster et réapprendre toutes sortes de tâches simples, préalablement acquises, auxquelles on intègre une gestion de plus. Ainsi, prendre sa douche, passer la balayeuse, faire le lavage au sous-sol, aller à l’épicerie deviennent des corvées complexes étant donné qu’il nous faut gérer notre bébé.

Je discutais avec une amie de ma difficulté à accepter mon inefficacité lorsqu’elle m’a dit : « Tu n’es pas Wonder Woman. » Et soudain, ça m’a frappé. Je ne pourrai jamais tout gérer et y arriver comme je le faisais avant. Bien qu’attristée, j’ai regardé les choses en face. J’avais la possibilité de courir sans cesse après ma queue ou prioriser les aspects importants de ma vie. J’ai ainsi dressé la liste de ce qui comptait le plus à mes yeux : ma famille, celle dont je viens et celle que nous avons construite, mon couple et notre sexualité, mes amis, le bonheur de mon chien et le plaisir de cuisiner. Pour ce qui est du reste : le ménage, les commissions, le lavage et j’en passe, ce ne sont que des futilités. Pourvu que j’aie bien mangé, entourée des gens que j’aime, me couchant le soir avec le sentiment d’être aimée et heureuse, le reste importe peu.

Je croyais ne tenir que quelques jours avant de me remettre à mon plumeau ou de me coucher le cœur lourd de n’avoir pas tout fait ce jour-là. Finalement, je tiens bon. Lorsque la culpabilité me prend, je repense à cette liste et je me demande si je peux en cocher toutes les cases. Le plancher peut être garni de poil de chien ici et là ou de lait tombé du biberon du bébé, il reste derrière tout ça une maison où il fait bon vivre, où les gens s’aiment, et l’essentiel est là.