Vous pouvez lire la première, deuxième et troisième partie avant de lire ce billet.

C’était le moment que je redoutais le plus, lorsqu’on m’a donné le départ de l’hôpital. Ce fameux retour à la maison. Là où une chambre de bébé presque prête nous attendait. L’endroit où des rêves s’étaient formés les huit derniers mois en espérant un enfant qui, finalement, n’est pas arrivé…
 
La porte de sa chambre était fermée. Mon copain avait rapidement déplacé tous les accessoires de bébé (poussette, chaise haute, bassinette) dans la chambre lorsqu’il était venu récupérer quelques essentiels pour l’hôpital. Notre maison me semblait maintenant vide… Vide de sens. J’avais l’impression que nous étions restés immobiles, comme si nos projets d’avenir n’existaient plus.
 
Je ne sortais pas de l’hôpital uniquement avec une douleur psychologique, mais également avec des blessures aux corps. Mes bras étaient couverts de bleus pour toutes les prises de sang qui ont dû être faites, sans compter ma réaction allergique aux pansements en plastique qu’on m’avait posés sur les avant-bras et le long du dos. De retour à la maison, je devais maintenant vivre avec des montées de lait, un ventre mou, des crampes, des maux de dos suite à la péridurale... Malgré tout, quelques semaines après ce fatidique mercredi, mon corps me semble redevenu comme avant. Seule une ligne verticale foncée sous le nombril est restée présente. J’ai l’impression que mon corps me trahit. Qu’il tente d’oublier quelque chose que j’ai envie de me rappeler chaque seconde.
 
Sur le coup de l’annonce, j’avais effacé toute trace publique de ma grossesse en espérant pouvoir effacer cette période de ma vie. Je l’ai rapidement regretté. De retour dans notre routine, j’étais en peine. J’avais envie de partager ce qui ne se voyait plus, de crier sur tous les toits que j’étais enceinte quelques jours plus tôt. Je n’avais pas eu la chance de rencontrer la personne qui deviendrait la plus importante à mes yeux.
 
Heureusement, la famille et les amis ont été présents et pas uniquement dans le but de nous changer les idées. Ils nous ont divertis quand il le fallait et nous ont laissé parler de notre garçon lorsqu’on en avait envie. C’était important pour nous de voir qu’il était une partie intégrante de notre vie et de la famille.
 
On a eu droit à des témoignages de gens plus ou moins proches qui revivaient leur expérience à travers la nôtre. C’était triste, mais réconfortant de savoir que l’on n’était pas seuls.
 
D’autres ont tenté maladroitement de nous réconforter en nous sortant des phrases involontairement cruelles telles que « C’est qu’il y a mieux qui vous attend! », « Rien n’arrive pour rien. » et « Ça aurait pu être pire... » (#TrueStory) Il n’y a pas de comparaison à faire à de telles expériences. La douleur de perdre son bébé peut être aussi grande à trois semaines de grossesse qu’à quarante. C’est un deuil de son avenir et du vôtre avec lui.
 
On nous parle aussi des bébés espoirs. « Vous allez voir, vous serez parents rapidement ensuite! » Bien qu’encourageant, c’est tout de même de tenir pour acquis que nous souhaitons essayer de nouveau. Après une telle expérience, ça ne devrait pas être étonnant que l’on décide de ne pas tenter sa chance pour une deuxième fois. M’imaginer devoir repasser par les maux de cœur, la fatigue intense, les courbatures, et ce, sans avoir la certitude de tenir un bébé en santé dans les bras ensuite me terrifie.
 
Je me vois difficilement planifier la suite ; je n’arrive même pas à comprendre certains aspects de notre histoire...

Est-ce que l’on peut dire que j’ai donné naissance?
Est-ce que je suis mère?
Je ne me suis jamais occupé d’un bébé naissant, je n’ai même jamais changé de couche! J’aurais l’impression de mentir en disant que je suis maman et de trahir mon fils en disant que je ne le suis pas.

J’ai tellement de questions pour lesquelles il n’y a pas de réponse.