Je suis introvertie. Au quotidien, je me plais à dire que « j’aime pas le monde ». J’exagère : la réalité, c’est que j’ai besoin de temps seule avec moi-même. Et que, par défaut, je n’éprouve pas le besoin d’entrer en relation avec tou.te.s les inconnu.e.s que je croise à l’épicerie.

Coco est comme ça aussi. Rien ne le rebute plus que les inconnu.e.s qui veulent l’approcher. Il n’y a pas si longtemps encore, il hurlait de désespoir quand ça se produisait (« La madame m’a dit bonjour et ça me TENTAIT PAS! »). Il a des ami.e.s, mais fréquemment, il les plante là pour jouer seul. Les enfants qu’il ne connaît pas ne l’intéressent aucunement. Récemment, un pauvre petit garçon qui lui a demandé s’il pouvait être son ami a eu droit à un laconique : « non ». Quin, toi. Des faux-semblants? Pas avec mon garçon.

Non, quand Coco veut la paix, il ne fait pas dans la subtilité. Sa réponse de prédilection à quiconque a le malheur de lui trouver la bouille sympathique est un « hmmm » renfrogné. Nous lui apprenons à dire qu’il veut jouer seul, mais c’est loin d’être gagné. Actuellement, il a droit à de chaudes félicitations quand il se contente de garder le silence —  ce n’est pas un comportement de choix, mais c’est toujours cent fois mieux que les grimaces.

À la base, ce n’est pas un problème que Coco soit comme il est. C’est sa personnalité et c’est parfait. Mais voilà, mon garçon qui aime pas le monde commencera la maternelle en septembre, dans une école où il ne connaîtra à peu près personne. Alors ça y est, Maman stresse. 


Crédit : Giphy
 

Je n’ai jamais vu Coco s’intégrer à un groupe, que ce soit au parc ou dans les fêtes d’ami.e.s. Je ne sais même pas s’il sait comment le faire. Mais surtout, je ne sais pas s’il en aura envie. Et ce n’est pas que je voudrais qu’il se crée un réseau exhaustif d’ami.e.s pour la vie à cinq ans. Je ne veux juste pas qu’il finisse seul dans son coin parce qu’il n’aura pas vu l’intérêt d’établir des liens.

J’ai peur qu’il s’isole à force de repousser les ami.e.s de la maternelle à coups de « hmmm » et de silences. J’ai peur qu’il devienne celui que personne n’aime, qui est toujours seul, qui est en dernier quand on forme les équipes de ballon-chasseur. J’ai peur qu’il soit catalogué comme « bizarre », comme « pas cool ». J’ai peur qu’il soit pris avec cette étiquette — parce qu’en matière de popularité, des deuxièmes chances, on n’en reçoit pas beaucoup à l’école. J’ai peur que ça dégénère vers l’intimidation. J’ai peur qu’il ait de la peine, qu’il se sente inadéquat. 

Je sais que ce ne sera pas facile pour lui d’être entouré d’enfants inconnus qui voudront entrer dans sa bulle. Ce ne sera pas naturel pour lui de les intégrer à son quotidien. Je sais qu’il veut être entouré, mais pas tout le temps, et pas de n’importe qui, et que c’est quelque chose qu’il n’est pas encore capable d’exprimer. Ce que j’ignore, et ce qui m’échappe, c’est s’il saura faire face à tout ça sans se montrer déplaisant. 

Mais tout n’est pas perdu. Cette semaine, Coco s’est approché, impressionné, de deux ou trois petites filles qui se suspendaient à l’envers dans une structure au parc. Il leur a parlé, déclenchant une longue discussion enfantine suraigüe sur le thème « moi je suis capable de... ». Mon chum et moi nous faisions des high fives en sautillant d’excitation. La clef est là : ces petites avaient suscité l’intérêt de Coco avec leurs acrobaties. Soudain, elles valaient l’effort de socialisation.

Ainsi, il ne me reste qu’à espérer que Coco trouvera à la maternelle quelques enfants qu’il jugera dignes de son attention ou, à défaut, une poignée de petites filles qui se suspendent dans les structures.
 


Crédit : Giphy